BloguesEn as-tu vraiment besoin ?

« Suivre la puck »

L’émission Enquête de la Société Radio-Canada lève le voile, dans son reportage du 29 mars 2012, sur la décision de la Ville de Shawinigan de construire un amphithéâtre neuf de 28 millions $ dans le but accueillir les Cataractes de Shawinigan. Une inspiration financière qui rappelle les défaillances de la logique mathématique du modèle Labeaume-Quebecor pour la construction du nouvel amphithéâtre de Québec : le principal risque de l’entreprise privée est transféré aux citoyens sans même en récolter les fruits. En fait, en tant que société, il semble que nous soyons maintenant prêts à construire des arénas pour les entreprises privées avec des fonds publics sans même obtenir le rendement minimal nous permettant de couvrir nos frais. Est-ce que c’est parce que le produit est du hockey ?

Imaginons la situation suivante : une grande banque du Canada demande au Gouvernement du Québec et à la Ville de Montréal de construire un siège social de 500 millions $ pour rapatrier ses activités au Québec. Pour justifier la contribution de l’État, la banque organise une belle séance de relation publique pour expliquer que le projet en vaut la peine par des emplois de qualité créés et des retombées fiscales des salaires et de la construction du nouvel édifice.

Peu importe les chiffres évoqués, on pourrait se demander si l’opinion publique serait pour une telle subvention. Pourtant, lorsqu’il est question de hockey, des subventions similaires sont approuvées par désir du produit, les matchs de hockey, et cela sans sourciller.

LHJMQ : copier de modèle de la LNH 

Pour faire croître la rentabilité d’une ligue de hockey,  on doit augmenter la capacité de certaines installations et les moderniser.  Pour les besoins de la population, c’est-à-dire le hockey mineur, le patinage artistique amateur, etc., une simple glace suffit avec quelques centaines de sièges.  Alors, comment justifier aux citoyens de payer la note des besoins de la ligue ? En faisant du lobbying. La LHJMQ s’est lancée en octobre 2011 dans une vaste campagne de relation publique en publiant un communiqué de presse faisant état des retombées économiques de ses activités.

On y cite une étude effectuée par Raymond Chabot Grant Thornton (document que la LHJMQ n’a pas voulu publier jusqu’à maintenant). Le document, de moins de trois pages, reprend quelques informations choisies :

« […] Selon RCGT, les retombées économiques de la LHJMQ liées à la production pour le Canada, exprimées en dollars courants, se chiffrent à plus de 1,15 G$ sur 5 ans. »

Mais en analysant le détail, on précise que 595 millions $ proviendront de la construction d’arénas et 53,5 millions $ proviendront de l’agrandissement d’arénas.  Ce que le document ne précise pas, c’est que ces « retombées » ne seront pas générées par la LHJMQ, mais bien par les investissements des villes et des subventions conjuguées des gouvernements du Québec et du Canada. En somme, inclure les investissements en immobilisations comme des retombées de la LHJMQ représente une erreur de logique ou un manque d’honnêteté intellectuelle. Si la LHJMQ veut se faire prendre au sérieux avec son opération séduction, elle devrait commencer par publier au complet son étude de Raymond Chabot Grant Thornton. Pour l’instant, elle se contente d’un résumé de deux pages ressemblant davantage à du « cherry picking » qu’à un élément probant de base de discussion.

Au Québec, nous aimons le hockey. Mais, lorsque nous en venons à subventionner les équipes de hockey en assumant tous les risques immobiliers, sans avoir une part appréciable de revenus pour couvrir notre point mort, nous démontrons qu’on « ne suit pas la puck ».