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Les Banques du Québec

Mon grand-père s’appelait Anatole. Au-delà d’un nom n’étant plus utilisé aujourd’hui, il était un homme, un citoyen. Avec une 11e année forte, il aurait pu donner des leçons de français à bien des universitaires d’aujourd’hui. Père de 13 enfants et de deux fausses couches (trois en comptant mon père, d’accord papa, elle est vieille, je sais, je t’aime), le crédit ne faisait pas partie de sa réalité quotidienne. À l’époque, les banques ne prêtaient pas aux Canadiens français (comme on les appelait) aussi facilement qu’aujourd’hui. Un jour, une Caisse populaire Desjardins a ouvert ses portes à Valleyfield. Anatole McSween en est devenu alors un membre fondateur. Voilà, on venait de donner accès à mon grand-père au système bancaire, on venait de lui donner son droit d’accès à l’économie. Mais, à cette époque, il devait acheter le terrain et construire le solage et tout payer comptant avant d’avoir accès au crédit.

Depuis lors, Desjardins a perdu quelque peu son mandat. Desjardins a encore son authenticité : une coopérative, pas d’actionnaire, pas de dividendes. Toutefois, on a commencé à traiter Desjardins partiellement comme une institution financière comme les autres. Évidemment, les surplus servent à financer les prêts futurs et à générer un fonds de roulement, etc. Pour jouer dans la cour des grands, Desjardins doit respecter certains ratios de capital, parler d’accord de Bâle (sans même obtenir un but-sur-balles, peu importe le nombre de balles en jeu.)

Et si Desjardins devenait une coopérative du 21e siècle? Une institution financière ne crée pas de plus-value pour une société. Une institution financière, c’est un coût de transaction. Certains parlent de nationalisation d’une banque pour créer une Banque du Canada ou une Banque du Québec. À mon sens, c’est peut-être excessif. Desjardins a le pouvoir de retourner à ses membres non pas en ristournes, mais bien en offrant un point d’accès à l’économie le moins couteux de l’industrie bancaire canadienne. Il suffit que sa direction retourne à sa mission première : servir ses membres et leurs intérêts.

Il y a quelques décennies, le Québec était la capitale financière du Canada. Un jour, le système bancaire canadien a tourné le dos au Québec. Les sièges sociaux ont quitté pour Toronto et la rue Saint-Jacques a perdu sa notoriété de capitale de la finance.  La Banque de Montréal, qu’on a renommée « BMO » pour faire oublier sa provenance, n’est plus l’ombre d’une banque montréalaise.  Lorsqu’une multinationale fait fi des travailleurs et quitte le Québec de façon draconienne, on se pose la question : dois-je continuer à acheter des produits de cette société? Récemment, Electrolux a quitté la municipalité de l’Assomption. Lorsqu’est venu le temps de renouveler ma cuisinière, un modèle à induction de la société m’a été proposé. Comme dirait l’autre, j’ai passé mon tour.

Au Québec, il n’y a plus que trois institutions financières dont les sièges sociaux fournissent des emplois de qualité à des Québécois. Personnellement, je n’ai jamais cru au protectionniste qui défie les lois du marché. La bannière Wallmart est remplie de citoyens ayant tourné le dos aux commerçants du coin pour payer quelques dollars de moins. Ce qu’il y a de magnifique avec le système bancaire, c’est que trois institutions financières, c’est un nombre suffisant pour nous permettre une certaine concurrence au niveau du coût d’emprunt. Ainsi, contrairement à d’autres situations, notre pouvoir collectif est colossal.

En fait, tout Québécois pourrait envisager l’option de se limiter à trois institutions financières : Desjardins, la Banque Nationale et la Banque Laurentienne du Canada. Individuellement, nous n’avons aucun pouvoir. Si des millions de Québécois décidaient du jour au lendemain de fermer leur compte chez TD, BMO, Scotia, RBC, etc., ils auraient soudainement l’attention de ces gestionnaires qui leur ont tourné le dos il y a quelques décennies. Être maître chez soi, ça commence dans la cohérence des choix. Être maître chez soi, ça commence chez Desjardins, la BLC ou la BNC.

Avant de parler de nationalisation, nous avons le pouvoir en tant que société de 1) choisir notre institution financière et 2) d’exiger un point d’accès à l’économie pour tous les Québécois.