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Une logique du 20e siècle

Ces temps-ci, un potager urbain de banlieue fait l’actualité. Ce potager ne m’est pas inconnu, il est à quelques maisons de celle de mes beaux-parents. Il y a quelques mois, je marchais en compagnie de membres de la famille, alors que deux citoyens de Saint-Charles-de-Drummond (banlieue de Drummondville fusionnée depuis 2004) remettaient en doute l’uniformité inutile de leur devanture de terrain. J’ai alors abordé les protagonistes aux pouces nouvellement verts.

–          Vous faites quoi?

–          Un potager!

–          Bonne idée, lâchez pas!

À ce moment, bien que cette initiative ressemblait simplement à une série de caissons en bois sur base de terre , cela soulevait déjà le questionnement des passants.  J’étais impressionné que dans cette municipalité à la quête de chaînes commerciales, de pelouses vertes et d’une piscine pour chaque adresse, se trouve un couple qui osait penser autrement de façon aussi peu conventionnelle.

Mais voilà, depuis quelques jours, Drummondville est en émoi. À Drummondville, on accepte sans problème de détruire un boisé pour construire des maisons pseudo château trop grandes pour une famille de trois ou un restaurant McDonald’s. On accepte avec fierté de participer au développement de la laideur en se jetant sans retenue dans l’émancipation d’un autre Boulevard Taschereau (nommé boulevard Saint-Joseph à Drummondville.) Mais, en juillet 2012, on demande à un couple de remettre du gazon sur 30 % de la devanture de leur terrain. On leur demande de retourner à ce Saint-Graal de la banlieue : la monoculture du gazon vert que l’on tond deux fois par semaine, juste après avoir lessivé pour la quatrième fois du mois sa deuxième voiture issue au maximum de la production des quatre dernières années.

Ce soir, je m’énerve de constater que cette vision du 20e siècle, rétrograde et limitée survit encore. Cette vision, c’est la même qui limite les entrées de garage à du pavé uni dans certains quartiers, interdisant la corde à linge au nom de l’esthétisme et limitant les couleurs de maison acceptées dans des quartiers dont les maisons sont identiques.  L’apothéose du n’importe quoi se concrétise dans le « outdooring », ou la volonté de rentre le terrain aussi aseptisé qu’un salon contaminé au « Febreze ».

Alors, si par hasard, un responsable de la législation de Drummondville lit ces quelques lignes, je lui ferais les constats suivants :

–          Il y a maintenant d’autres vins que le « Baby Duck » disponibles à la SAQ;

–          L’essence est maintenant sans plomb;

–          Il y a maintenant des taxes à la consommation au Québec;

–          Wayne Gretzky a pris sa retraite;

–          La Terre est ronde (ou plutôt sphérique);

Mais que voulez-vous, au Québec, on dirait qu’on aime ça les tomates de serres qui ne goûtent rien, la salade prélavée des États-Unis et les fraises blanches de Californie. Faire pousser des légumes sur son propre terrain, tu parles d’une idée de fou!