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Réponse à Pierre-Karl Péladeau

Pierre-Karl Péladeau

Chef du Parti Québécois

Député de St-Jérome

Actionnaire de contrôle de Québecor.

En date du 27 août 2015, vous avez réagi vigoureusement sur Facebook à ma chronique diffusée sur les ondes du 98,5 FM.  Votre argumentaire comporte certaines inexactitudes ou imprécisions, je vais donc répondre à celles-ci.

Chronique:

http://www.985fm.ca/in/pierre-yves-mcsween-1552.html

Votre réaction:

https://www.facebook.com/pierre.karl.peladeau.stjerome/posts/402533669941367

Citation #1 : « La comptabilité est censée être une science exacte. C’est la raison pour laquelle je souhaite terminer la définition de la mission de la Caisse de dépôt et placement du Québec que ce commentateur nous livre. »

Réponse : La comptabilité en son sens large n’est pas une science exacte, les principes comptables renferment des lignes directrices qu’il faut savoir interpréter. Si la comptabilité était une science exacte, il n’existerait pas de conflits entre certaines positions comptables des entreprises et leur auditeur. Le seul segment de la comptabilité que l’on pourrait qualifier de « science exacte », c’est l’addition des colonnes de chiffres.

Citation #2 : « La Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) a pour mission de recevoir des sommes en dépôt conformément à la loi et de les gérer en recherchant le rendement optimal du capital de ses déposants dans le respect de leur politique de placement tout en contribuant au développement économique du Québec.  Il [le Chroniqueur] a donc oublié la seconde mission fondamentale de la Caisse qui est aussi à l’origine de sa création tel que le reflète la réflexion des fondateurs, dont le grand économiste Jacques Parizeau. »

Réponse : Monsieur Péladeau, le but premier de la Caisse de dépôt et placement du Québec est de donner du rendement à ses déposants (32 au total, dont 8 détenant 97,3 % de l’actif net). Ce n’est pas un outil devant être politique, bien que la CDPQ peut choisir d’investir dans des projets publics lui donnant le rendement désiré. Oui, simultanément, la CDPQ peut contribuer au développement économique du Québec. Donc, selon votre logique, investir dans une équipe de hockey de la LNH permet de contribuer au développement économique du Québec? Rationnellement? Permettez-moi de douter que ce soit l’investissement le plus optimal pour atteindre ce but. Le croire serait une décision sentimentale et non rationnelle.

Citation #3 : « Je trouve assez curieux qu’il assimile l’entente entre la Ville de Québec et Québecor comme une subvention. S’il avait pris connaissance de l’entente, il pourrait constater que Québecor versera autour de $ 200 millions durant sa durée sous forme de loyer, de redevances et de partage des bénéfices. Eh oui, un locataire est exempt des taxes foncières puisqu’il le dit lui-même, cette responsabilité échoit au propriétaire, ce que ne sera jamais Québecor au terme du bail de location. »

Réponse : Monsieur Péladeau, quand on construit à l’aide de fonds publics et citoyens un édifice d’un peu moins de 400 M$ et que le locataire contribuerait (selon vos propres dires) à 200 M $ sur 25 ans, cela signifie qu’il y a implicitement une subvention. Dès le début, la valeur actuelle nette (VAN) du projet sur 25 ans est négative ! Vous le dites vous-mêmes. Aussi, vous comparez des dollars d’aujourd’hui avec des dollars futurs sans les actualiser. C’est une erreur argumentaire qu’un ancien chef d’entreprise ne devrait pas faire. Aussi, dans votre calcul, il y a un 33 M $ (ou 63,5 M $ s’il y a une équipe de hockey) qui correspond à ce qu’on appelle dans l’industrie le « droit de dénomination ». Ce n’est pas une somme pour louer l’amphithéâtre, mais pour avoir le droit d’inscrire Vidéotron dessus. Ce montant amorti linéairement sur la durée de l’entente donne 2,54 M$ par an. Il aurait pu être payé par une autre entreprise que Québecor. Le point de ma chronique est que le loyer annuel payé par Québecor se compare à la taxe municipale payée par les Canadiens de Montréal: le but est d’illustrer à quel point le montant est faible par rapport à la valeur marchande du bien loué. En somme, vous affirmez que perdre de l’argent et ne pas obtenir de rendement n’est pas une subvention? En comptabilité (cette science inexacte), il y a le principe de prééminence de la substance économique sur la forme juridique. Ai-je pris connaissance de l’entente ? Évidemment, plusieurs fois.

Citation #4 : « Si la Caisse ne faisait que du prêt, comme le fait d’ailleurs Investissement Québec en grande partie, elle viendrait concurrencer les institutions financières, ce que je pense, ne plairait certainement pas aux actionnaires de la Banque Nationale ou des membres du Mouvement Desjardins, ni […] au PDG de la banque, Louis Vachon ou la présidente du Mouvement Desjardins, Monique Leroux. »

Réponse : Monsieur Péladeau, la CDPQ est une concurrente des institutions financières. Elle offre des prêts aux entreprises et correspond à un investisseur institutionnel. La CDPQ et les institutions financières se battent parfois pour les mêmes placements, ayant toutes des liquidités à investir contre du rendement. De plus, la CDPQ fait partie d’ententes où elle offre du financement complémentaire à un syndicat bancaire. Je vous invite à communiquer avec Louis Vachon ou Monique Leroux pour en discuter.

Citation #5 : « Sur le rendement, là aussi il est curieux de constater qu’en citant l’exemple de celui qu’a obtenu Georges Gillett avec le Canadien de Montréal, il infère qu’il ne serait pas possible qu’un investisseur comme la Caisse ne puisse bénéficier d’une telle situation. Les Québécoises et les Québécois ont droit eux aussi à du rendement et d’être aussi performants que les autres gestionnaires de fonds. Ce n’est pas juste pour les autres mais aussi pour les Québécois. »

Réponse : Georges Gillett a acheté l’équipe à l’époque où il n’y avait pas d’entente de plafond salarial, où le dollar canadien n’était pas favorable, où la compagnie Molson voulait se débarrasser du contrôle de l’équipe (la société avait même garanti le prêt de l’acheteur!), où le contrat de télévision n’avait aucune commune mesure avec ce qui est payé aujourd’hui, etc. Il a acheté à faible prix et vendu à un prix élevé (« Buy low, sell high »). Imaginez, il a acheté l’équipe et l’amphithéâtre pour environ le coût de construction du Centre Bell et on lui a donné l’équipe en prime sans subvention implicite. Êtes-vous vraiment dans la même situation ? Avez-vous en main l’équipe avec la même dynastie ? Avez-vous à Québec un marché aussi important que celui de Montréal ? Ne croyez-vous pas que la concurrence des deux équipes ne créera pas de cannibalisation de marchés ?

Citation #6 : « Le meilleur est probablement l’affirmation que je détiendrais 73% de Québecor à cause de la Caisse. Je dois rappeler que ce n’est pas la Caisse qui m’a donné les actions que j’ai hérité d’un grand bâtisseur du Québec, Pierre Péladeau. J’ai tenté de les faire fructifier le mieux possible en engageant un repositionnement de l’entreprise à la suite de l’invitation de la Caisse de monter une transaction alternative à l’offre d’achat de Rogers en 2000 sur Vidéotron. Le résultat positif de cette orientation témoigne du succès de l’opération mais aussi et surtout du maintien du siège social au Québec et des milliers d’emplois qui en découlent. »

Réponse : De votre côté, c’est certain que le résultat de la transaction est positif. Du côté de la CDPQ, c’est le plus grand échec de placement en capital privé de son histoire. Je ne crois pas à avoir à vous expliquer que la CDPQ a financé 45,3% de l’acquisition de Videotron en vous laissant le 73% grâce à des actions multivotantes. Il y a une différence entre ce que votre père vous a légué et l’aide octroyée par la CDPQ dans son mandat de « contribuer au développement économique du Québec. »   http://www.lapresse.ca/debats/nos-collaborateurs/pierre-yves-mcsween/201410/06/01-4806892-langle-mort-de-pkp.php

« Citation #7 : Quant aux pertes dont il parle, les principes comptables exigent que vous radiez la valeur de vos placements si elle n’est pas justifiée au moment de la clôture annuelle d’un exercice financier. Cette valeur n’est pas détruite à jamais bien au contraire. C’est bien ce qui s’est produit lorsque la Caisse a revendu une partie de sa participation dans Québecor Média il y a quelques années. »

Réponse : En plus de perdre du capital, vous devriez inclure le coût de renonciation du rendement qui aurait été fait avec un autre choix de placement. Soyez honnête sur ce point, dans l’histoire de la CDPQ, cet investissement est une catastrophe pour les épargnants de la CDPQ. Pour ce qui est des normes comptables, vous le dites vous-même, on radie si la « valeur n’est pas justifiée ». Si vous voulez un argument de plus, je vous invite à lire l’article suivant corroborant ce que je vous explique : http://affaires.lapresse.ca/economie/medias-et-telecoms/201212/27/01-4606963-quebec-inc-en-2012-la-caisse-de-depot-perd-patience-avec-Québecor-media.php

Le placement dans QMI était une erreur pour la CDPQ, vous le savez bien. Ce n’était pas une décision financière, mais politique. Tant mieux pour vous si vous avez bénéficié de ce traitement de faveur.

Toute l’histoire du retour des Nordiques et de l’amphithéâtre ne tient pas à la rationalité, elle tient à l’émotion. Le hockey au Québec, c’est presque lié au patriotisme.

Rationnellement, avec 400M $, on aurait pu bâtir 2 importants pavillons universitaires ou des dizaines d’écoles primaires. Non, on a préféré subventionner le sport professionnel à perte. Rationnelle cette décision ? Pas vraiment.

Un véritable chef d’État doit d’abord faire passer les intérêts du peuple avant les siens quand il s’exprime et agit. Comme Jacques Parizeau, René Lévesque ou Robert Bourassa, vous aspirez à devenir un modèle pour le bien commun. Je vous invite à relire votre commentaire Facebook en réponse à ma chronique. Qui nous parle?Le chef du PQ ou l’actionnaire ayant des intérêts financiers dans le retour des Nordiques ?

En terminant, si jamais je demandais à l’État de me construire un immeuble commercial et de l’équiper pour accueillir un restaurant St-Hubert, seriez-vous d’accord ? En échange, j’offrirais de payer un loyer sur 25 ans représentant moins de la moitié du coût de construction. Aussi, je proposerais que la CDPQ m’aide à financer mon achat de franchise. Ce serait bizarre financièrement d’agir de la sorte, n’est-ce pas ? Pourtant, c’est exactement ce que vous demandez.