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L’Énéide: faire du neuf avec du vieux

Avec un thème comme l'exil, on aurait pu croire à une création de Wajdi Mouawad, mais L'Énéide des Trois Tristes Tigres est cette adaptation contemporaine d'une œuvre de Virgile qui date d'avant notre ère, une mise en scène d'Olivier Kemeid. La pièce a eu un grand succès lors de sa création en 2007 et après avoir vu une représentation au Centre culturel de l'Université de Sherbrooke la semaine dernière, je comprends facilement pourquoi. C'est brillant. On a les deux pieds dans un drame épique avec de grandiloquents survivants en fuite, mais notre tête se fait bombarder de réflexions pertinentes, modernes, sur les dommages collatéraux des grands conflits de ce monde. À certains moments, ça bascule dans des univers contemporains et/ou fantastiques (voire farfelues), mais on ne perd jamais le fil. Les effets de lumière sur un décor fait de grandes toiles translucides créent des ambiances étonnantes.

…mais certaines lourdeurs nuisent à l'ensemble; j'ai regardé ma montre à quelques reprises lors des deux heures de show. Le discours est très intello. Je suis capable d'en prendre, mais avec un texte qui déboule et qui est projeté à la manière d'une tragédie grecque (intensément, tout le temps dans le tapis), difficile pour les comédiens de nuancer, de mettre l'accent sur toutes les perles de cet écrit dépoussiéré. Ça crée une grande distanciation entre le public et les personnages… mais peut-être que c'était le but. Justement, on se sent très loin de ces gens qui quittent un pays en guerre, qui trouvent un certain réconfort dans la simplicité du quotidien, mais qui demeurent marqués, blessés. Cette pièce ne permet pas de rapprochement.

D'une grande beauté, mais destiné à un public averti.