Les expositions de l'été
Scène

Les expositions de l’été

Comme chacun sait, les musées réservent leurs expositions les plus attirantes pour la saison estivale, c’est-à-dire la saison des touristes, qui se font un devoir de fréquenter les grandes expositions, quand ils ne viennent pas expressément pour ça. A ce chapitre, l’été 98 s’annonce prometteur pour les musées du Québec. Déjà, le Musée d’art contemporain affiche l’une de ses plus solides programmations estivales à ce jour, avec Borduas, Martha Fleming et Lyne Lapointe, et Eleanor Bond. Mais on attend également quelques mégastars.

Ainsi, le grand Alberto Giacometti fera l’objet d’une exposition d’envergure au Musée des beaux-arts de Montréal, qui a su mettre à profit ses anciennes relations pour réaliser ce coup. C’est en effet Jean-Louis Prat, qui avait signé la rétrospective Riopelle, qui est à la tête du projet. A titre de directeur de la Fondation Maeght, à Saint-Paul-de-Vence, M. Prat se trouve assis sur une mine de Giacometti, ce qui a grandement facilité la négociation avec d’autres collections. Au total, L’Exposition Alberto Giacometti – le titre dit tout… – regroupera pas moins de 150 pièces. (Du 18 juin au 18 octobre)
Autre exposition attendue au MBAM, celle-ci sortie tout droit de la corbeille de mariage de son nouveau directeur, Guy Cogeval, Le Temps des Nabis: Bonnard, Vuillard, Maurice Denis, Valloton, Sérusier, Ranson, Roussel. Organisée par Cogeval pour le compte du Palazzo Corsini de Florence, et exceptionnellement rallongée d’une étape montréalaise, cette exposition retracera, à l’aide de quelque deux cents pièces l’historique de ce mouvement charnière mais relativement peu connu du grand public. (Du 20 août au 22 novembre)

Par ailleurs, le Musée des arts décoratifs, dont on a peu entendu parler depuis sa réouverture l’an passé rue Bishop, reçoit, après San Francisco et New York, et avant Paris, une rétrospective du designer japonais Shiro Kuramata (1934-1991). Kuramata est connu notamment pour avoir signé le design des boutiques d’ Issey Miyake, mais a également dessiné diverses séries de meubles. (Du 4 juin au 7 septembre.)

Enfin, toujours à Montréal, on ne saurait manquer l’exposition que le très sérieux Centre Canadien d’Architecture consacrera au… gazon. Intitulée Surface du quotidien: La pelouse en Amérique, cette exposition, qui suscite déjà un fort intérêt médiatique, entend ausculter ce pan verdoyant de l’imaginaire urbain de l’Amérique moderne. Il s’agit d’ailleurs de la cinquième et dernière exposition de la série Le Siècle de l’Amérique. (Du 16 juin au 8 novembre)

Rodin à Québec
A Québec, on attend Rodin. Montée en collaboration avec le Musée Rodin de Paris, cette exposition de prestige regroupera 137 pièces, dont 103 sculptures. Cela s’intitule Rodin à Québec, mais cela pourrait tout aussi bien s’appeler Rodin’s Greatest Hits. On nous promet Le Baiser, L’Éternel Printemps, Le Penseur, L’Age d’airain… L’ouverture est prévue pour le 4 juin, mais au moment d’écrire ces lignes, il est question que les employés non professionnels (gardiens, commis, préposés…) déclenchent une grève les 2, 3 et 4 juin, suite à l’absence d’entente avec la direction du Musée, aux prises avec un budget minceur depuis quelques années.
En tel cas, on pourra en profiter pour aller au Musée de la Civilisation, qui réserve ses grandes salles aux Imaginaires mexicains (jusqu’au 14 février 1999). Et on devrait même pousser une pointe jusqu’à La Malbaie, où le Mexique se trouve également à l’honneur. Le Musée de Charlevoix consacre une exposition aux Jouets traditionnels et miniatures mexicains (jusqu’au 1er novembre).
Direction opposée, le Musée des beaux-arts du Canada à Ottawa remplacera bientôt Picasso par une exposition d’art contemporain, intitulée Traversées, regroupant quinze artistes en provenance de divers pays autour des thèmes de la migration et de l’exil. (Du 7 août au 1er novembre) Plus à l’ouest, Toronto signe cet été un doublé londonien. Le Musée des beaux-arts de l’Ontario – AGO – reçoit les prestigieuses collections du Courteauld Institute, réputé pour son extraordinaire collection d’Impressionnistes et de Post-Impressionnistes, et actuellement en rénovation. (Du 10 juin au 21 septembre). Le Royal Ontario Museum cède ses salles au Victoria and Albert Museum, avec un échantillonnage de quelque deux cents pièces allant de Léonard de Vinci à Vivienne Westwood (du 21 juin au 13 septembre).

La Biennale de Montréal
Côté art contemporain, l’été 98 sera marqué, à Montréal, par trois grandes manifestations: l’événement Peinture Peinture, le retour d’Artifice, et la tenue de la première Biennale de Montréal.
On écrivait il n’y a pas si longtemps que le galeriste René Blouin n’avait pas la réputation d’être particulièrement bien disposé envers la peinture. Eh bien, pour nous faire mentir, René Blouin, de mèche avec Gaston Saint-Pierre (lui-même pourtant un spécialiste de la sculpture…), a mis sur pied l’événement Peinture Peinture. Sous les auspices de l’Association des galeries d’art contemporain (AGAC), et un peu en hommage au cinquantenaire de Refus global, l’équipe a convaincu une trentaine de centres d’exposition de toutes sortes, privés et institutionnels (à l’exclusion des centres d’artistes), de consacrer leur programmation à la peinture abstraite. (Du 6 juin au 11 juillet)

Et puis, Artifice revient. David Liss et Marie-Michèle Cron ont finalement choisi de réitérer cet événement qu’on croyait être le coup d’une saison, celui de l’été 96. S’agit-il d’une future biennale? Fidèle à la première édition, Artifice 98 se tiendra dans des locaux du centre-ville, privilégiant un accès direct du public, et fera place à la garde montante. Une différence de taille cette année: outre la participation additionnelle de deux nouveaux commissaires (Katia Meir et John Massey), la présence d’artistes de Toronto. (Du 18 juin au 16 août)

Artifice n’a pas le titre de biennale, mais il en a les principaux traits, sauf l’internationalisme, qui ne saurait peut-être tarder. A l’inverse, sauf sa récurrence aux deux ans, la Biennale de Montréal, concoctée par Claude Gosselin, le directeur du Centre International d’Art Contemporain, diffère peu, en tout cas sur papier, des anciens Cent Jours, avec leur traditionnel conglomérat d’expositions diverses. Mais des «Cent Jours Plus», mettant à contribution d’autres établissements (le Musée Juste pour rire, le Centre de design de l’UQAM et le Marché Bonsecours), et dans l’ensemble plus ambitieux que par les années passées. Le volet le plus important, et le seul entièrement produit par le CIAC – si on fait exception des Ouvres dans la ville, un circuit d’ouvres publiques dont la plupart sont déjà installées -, s’intitule Les Capteurs de rêves, et porte sur les thèmes «de la poésie, de l’humour et du quotidien». (Du 27 août au 18 octobre)