Christian Fortin : Histoire de famille
Scène

Christian Fortin : Histoire de famille

Parmi les jeunes auteurs dont les créations déferleront sous peu dans les petites salles de la métropole, Christian Fortin est probablement celui qui s’inspire le plus des hauts et, surtout, des bas de la vie quotidienne. Dans sa pièce précédente, 86 Lampes, présentée l’an dernier dans la petite salle du Théâtre d’Aujourd’hui, le diplômé de l’UQAM se penchait sur les propos échangés par deux amoureux au bord du gouffre. Cette fois, la famille remplace le couple sur la lamelle de son microscope.

Créée pour le dixième anniversaire de la compagnie de théâtre Le Boléro, et présentée en mars à Saint-Hyacinthe, Féroce est une pièce dense, mise en scène par un homme d’expérience, Jacques Rossi. Sur scène, deux frères (Mario Borges et Richard Fréchette) et deux sours (Micheline Bernard et Manon Lussier) dans la trentaine, orphelins de mère, tentent de régler le sort de leur famille à coups d’engueulades et de deals plus ou moins honnêtes. «Les trois aînés de la famille sont stériles. La pièce débute au moment où ils apprennent que leur petite sour est enceinte, alors que leur père se meurt à l’hôpital», résume l’auteur de 32 ans. Brusques et méchants, ils échangent leurs répliques comme des droites au visage, prêts à tous les coups pour éviter de s’encombrer d’un père qui «ne rentre pas dans leur agenda», et pour convaincre la benjamine de ne pas se faire avorter.

«On négocie le cendrier d’une auto qu’on loue au même titre que nos amours!» s’exclame Christian Fortin, révolté par l’individualisme et la négociation tous azimuts qui colorent le quotidien. Selon lui, cette manie du calcul, qui exclut toute passion, ne peut que voler en éclats quand elle se heurte à des événements aussi imprévisibles que la mort ou la naissance.

«J’ai été tellement confronté à la mort dans ma vie que j’ai tout misé sur la naissance dans ce show-là. On peut trouver bizarre que j’aie accordé tant d’importance à la naissance, mais ce n’est pas la mort que j’ai envie de côtoyer! Quand ça arrive, ça ne bouscule pas que l’agenda, mais toute la vie intérieure: il faut que tu prennes des décisions, que tu te demandes pourquoi tu continues à vivre. T’es obligé de négocier cette mort avec les autres, mais aussi avec toi-même.»

Féroce est une fable urbaine écrite en quelques mois, sans plan, retravaillée au fil des répétitions, dans laquelle s’entremêlent les élans poétiques, les dialogues réalistes et les échanges bruyants. «J’ai une oreille musicale; j’entends les timbres de voix quand j’écris. Ce n’est qu’après avoir écouté la musique des acteurs que je suis capable de "faire suivre la run"», précise le dramaturge, qui n’a dévoilé aux comédiens le dénouement de la pièce que deux semaines avant le début des représentations.

Dangereuse comme une bombe, la famille nucléaire? Fortin s’en méfie. «La famille, c’est la source de tous les maux de la planète! On ne la choisit pas et on passe sa vie à se faire croire que l’on s’en est affranchi. Pourtant, quand un membre meurt, on se rend compte que c’est complètement faux. Dans la famille, il y a un rapport amour-haine très fort qui n’existe pas ailleurs. Ça, les Grecs l’avaient compris…»

Théâtre Espace La Veillée
Du 15 avril au 2 mai
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