Jean-Pierre Mondor / O'Vertigo : Moderne solitude
Scène

Jean-Pierre Mondor / O’Vertigo : Moderne solitude

Travaillant sur le thème de la fin du millénaire, le chorégraphe JEAN-PIERRE MONDOR crée un nouveau spectacle solo. Un tournant dans sa carrière, qui le mène droit vers le succès.

«Enfant, j’habitais Montréal-Nord. Le Parc Belmont, situé pas loin de chez moi, représentait un endroit extraordinaire à mes yeux. Je me souviens que lorsque je prenais l’autobus 69 et qu’on arrivait au parc d’attraction, le dernier arrêt du trajet, le chauffeur criait: "Parc

Belmont, tout le monde descend!"» raconte Jean-Pierre Mondor.
Ce souvenir, il en reste des traces dans le spectacle solo que présente le chorégraphe, ce week-end, à Tangente. Jean-Pierre Mondor l’avoue: c’est la pièce la plus «dramatique» de son répertoire. «J’ai voulu proposer une métaphore de la fin du millénaire.» Selon lui, il aurait été difficile d’inventer des mouvements légers et joyeux à partir d’un thème aussi sérieux. «Je trouve l’actualité effrayante. Au cours des dernières décennies, le monde s’est démantelé, défait, de la même façon que le Parc Belmont pendant les années 80. On arrive bientôt au terminus du millénaire, et cette étape génère des angoisses chez bien des gens. On anticipe les pires choses, comme si le monde allait s’arrêter après le bogue de l’an 2000.»

Cela dit, le chorégraphe, qui nous a habitués à de malicieux clins d’oil dans sa danse, n’a pas perdu son sens de l’humour. «Mon solo comporte plusieurs tableaux différents les uns des autres. C’est un collage inspiré d’impressions personnelles. Le rythme est parfois effréné, parfois doux.»

Jean-Pierre Mondor a renoncé à l’idée de danser sa pièce afin de porter un regard plus objectif sur son travail. C’est Tom Casey, que l’on a récemment vu dans Glace Noire de Roger Sinha, qui incarnera le rôle de solitaire imaginé par Mondor. Pourquoi lui, et pas un autre? D’une part, Mondor et Casey se connaissent bien pour avoir dansé ensemble

pour Jean-Pierre Perreault et Sarah Bild. D’autre part, son intuition lui disait de lui faire confiance. «J’ai demandé à Tom d’être sur scène comme dans la vie. C’est de cette façon que j’arrive à toucher les gens.» Depuis ses débuts, Jean-Pierre Mondor emprunte des gestes du quotidien. «Je regarde les gens bouger dans une file d’attente, dans la rue, partout. Ça évoque beaucoup de choses chez moi; j’y puise une foule d’idées. Mon grand défi, c’est d’arriver à jumeler ma danse avec la danse de la vie.»

Et ça marche. Ses chorégraphies suscitent de plus en plus d’intérêt dans la communauté de la danse et parmi le public. Dernièrement, la directrice de Montréal Danse, Cathy Casey, lui a proposé de créer une pièce pour son prochain spectacle (Dominique Porte et Estelle Clareton seront aussi du nombre). Le projet emballe Jean-Pierre Mondor,

qui a autrefois dansé pour Montréal Danse. C’est d’ailleurs là qu’il a fait ses premiers pas en tant que chorégraphe. «Ce projet arrive à point. Ma carrière a jusqu’ici évolué doucement. Maintenant, j’ai envie d’avancer à la vitesse d’un jet!»
Du 8 au 11 avril
Espace Tangente

Manon

Les amateurs d’opéra connaissent bien Manon, composé par Massenet, et Manon Lescaut, de Puccini, lesquels se sont inspirés du roman Manon Lescaut de l’abbé Prévost. En 1974, le chorégraphe britannique sir Kenneth MacMillan s’est lui aussi inspiré de cette histoire d’amours trompées et de recherche de luxe, écrite au siècle dernier. Son ballet propose une
héroïne prête à tout pour parvenir à ses fins. Du nombre de ses prétendants, un seul fera véritablement battre son cour. Mais celui-ci occupera toutes ses pensées qu’à la fin tragique de leur histoire. Dans quelques jours, le Ballet national du Canada dansera pour la
première fois à Montréal l’ouvre dramatique de MacMillan. C’est la Québécoise Martine Lamy qui incarnera cette Manon mi-perverse, mi-angélique. Selon la danseuse, jointe au téléphone à Toronto, plus tôt cette semaine, le rôle de Manon exige davantage sur le plan de l’interprétation que sur le plan de la technique. «C’est mon partenaire qui a beaucoup à faire», expliquait-elle en riant. Pour les besoins de son rôle muet, la ballerine s’est inventé un personnage. «Sur scène, je me répète mentalement des paroles de Manon en prenant un accent français. Une minute de ballet peut représenter une vingtaine de pages du roman.»

De tous ses rôles majeurs (Swanilda, Giselle, la princesse Aurore, notamment), c’est celui de Manon qui demeure le plus contemporain. «Encore aujourd’hui, des hommes et des femmes utilisent les autres pour atteindre leurs objectifs. Malgré les défauts de mon personnage, j’aime sa joie de vivre et son enthousiasme. C’est une femme en avance sur son temps.»

Du 15 au 17 avril
Salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts

Les Printemps de la danse

La troisième édition des Printemps de la danse se déroulera au cours des prochains jours dans cinq maisons de la culture (Marie-Uguay, Villeray-Saint-Michel-Parc Extension, Rivières-des-Prairies, Plateau Mont-Royal et Notre-Dame-de-Grâce). Deux programmes ont à l’affiche dans l’une ou l’autre des maisons: des ouvres solos ou de groupe, ayant fait

les belles heures de Tangente l’année dernière, et signées par des chorégraphes prometteurs: Natalie Morin, Irène Stamou, Emmanuel Jouthe, Sarah Williams et Estelle Clareton. L’entrée est gratuite. On s’informe aux maisons de la culture.

Douceurs exquises: O Vertigo

Le public aime O Vertigo. Ça se voit et ça s’entend. À la fin du spectacle La Vie qui bat, la salle pleine s’est levée d’un bond pour applaudir danseurs, chorégraphe, musiciens et chef d’orchestre, manifestement heureux d’un tel accueil. Un accueil mérité. La troupe venait de danser, d’un trait, la dernière chorégraphie de Ginette Laurin, présentée la semaine dernière au Centre Pierre-Péladeau. Le défi n’est pas tant d’avoir tenu, sans interruption, la scène pendant une heure, mais d’avoir accordé leurs mouvements avec Drumming, une musique rythmée, ensorcelante du compositeur américain Steve Reich, jouée en direct par la Société de musique contemporaine du Québec (sous la direction de Walter Boudreau).

Cette fusion entre la musique live et la danse est un véritable cadeau du ciel. Pour eux comme pour nous. Caché derrière un rideau translucide, l’orchestre joue avec des instruments intrigants: glockenspiels, piccolo et marimbas. Si la première partie, composée de rythmes africains, est répétitive, les suivantes, auxquelles s’ajoutent des voix féminines, sont magnifiques. On regrette de ne pas voir les musiciens à l’ouvre; l’idée de les laisser à l’ombre est toutefois judicieuse. De cette façon, on peut mieux se laisser porter par la danse d’O Vertigo.

Mais notez, la compagnie aurait dansé sur une musique country que le public aurait sans doute aimé. C’est que le langage chorégraphique de Ginette Laurin, réputé pour sa beauté, sa complexité et sa finesse, plaît énormément. Surtout depuis que la chorégraphe a mis de côté textes et scénographie imposante, optant pour des mouvements épurés, des costumes sobres et des décors zen. En compagnie de l’éclairagiste-scénographe Axel Morgenthaler, fidèle collaborateur depuis quelques années, elle crée des tableaux d’une beauté souvent impressionnante. Les lumières turquoise, vertes ou jaunes voilées de La Vie qui bat donnent l’impression au spectateur d’être à des kilomètres sous l’eau. Malgré un début plutôt lent, la pièce a du rythme et est structurée de façon à ne jamais nous perdre en cours de route. Les danseurs respirent le bien-être, et exécutent les séquences chorégraphiques avec une belle précision. L’émotion, légère comme la pluie, nous touche par moments. On peut reprocher à Ginette Laurin de manquer d’audace sur scène. Mais son désir d’inédit est ailleurs. Dans le fait, par exemple, d’avoir chorégraphié à partir d’une musique imposée, une nouveauté chez elle. En acceptant la proposition de Walter Boudreau, la partie s’annonçait risquée. Mais l’un comme l’autre ont su tirer leur épingle du jeu de façon admirable. Chapeau.