Les Vieux Amis : Le fil du souvenir
Scène

Les Vieux Amis : Le fil du souvenir

On assiste ces jours-ci à la Maison Théâtre à une rencontre rare, chargée d’émotion: celle des Vieux Amis de Ronnie Burkett avec le public d’enfants. Entre ses personnages âgés et les petits de six à douze ans, le marionnettiste aux doigts magiques tend un fil vibrant.

Création du Ronnie Burkett Theatre of Marionettes de Calgary (coproduit par le Manitoba Theatre for Young People), ce petit bijou est écrit, mis en scène et interprété par Burkett qui, de surcroît, conçoit toutes ses marionnettes.

Depuis 1986, l’artiste albertain présente, avec un succès critique et public mérité, des spectacles de marionnettes pour les adultes, une rareté en Occident. Ce théâtre voyage beaucoup, et l’on a pu applaudir ici il y a deux ans, au Festival de Théâtre des Amériques, Tinka’s New Dress, un cabaret pour marionnettes présenté à nouveau cet hiver à l’Usine C. Old Friends (Les Vieux Amis) a également été invité à Montréal en 1998 à l’occasion des Coups de théâtre, le rendez-vous international de théâtre jeune public.

Pour la première fois, Burkett s’adresse aux enfants, avec ce portrait tendre de quelques personnes âgées, croquées dans un jardin public. Sous l’oil rassurant et l’aile protectrice de l’ange vert-de-gris de la fontaine, monument portant l’invitante inscription «Remember», défilent une itinérante poussant son panier à provisions, une tonitruante chanteuse d’opéra, des séducteurs grisonnants et une amoureuse esseulée, mais aussi un duo de clowns et un toutou frétillant qui fait pipi sur les pieds du marionnettiste, au grand plaisir des enfants!

Étonnamment vivantes, une douzaine de marionnettes à fils, arrivant aux genoux du manipulateur, peuplent le jardin, promenant autour de la fontaine du souvenir leur mélancolie ou leur joie de vivre. À tour de rôle, ces vieux passants viennent s’asseoir sur un banc et évoquer quelque joie d’hier. Sorte de deus ex machina, le marionnettiste peut jeter une poudre scintillante qui fait rejaillir les souvenirs ou aider la vagabonde à rejoindre la balançoire accrochée à un nuage pour partir vers un autre monde. C’est parfois triste, comme toute dernière valse, mais la franche bouffonnerie des clowns relève aussi du bal.

Grâce à une musique attentive, porteuse tour à tour de bonne humeur et de nostalgie, il faut peu de mots à Burkett pour esquisser ses personnages, placer ici et là une touche d’humour et, surtout, établir une belle complicité avec la salle et avec ses vieux amis. Trait d’union entre eux et nous, Ronnie Burkett possède une présence d’un charme pur. Quant à son travail de manipulation, d’une grande virtuosité, c’est une véritable dentelle de menus gestes: un tapotement de la main sur la cuisse, un mouvement de la tête, et voici toute la tristesse, la joie, la solitude de ces êtres qui nous parviennent, révélant chez ces figurines de bois sculpté une poignante humanité.

Ravi, le jeune public accueille ce monde miniature avec un bonheur évident, témoignant par son écoute respectueuse ou par son rire franc qu’il a bel et bien été conquis.

Jusqu’au 11 avril
À la Maison Théâtre

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