Tintamarre : Passé imparfait
Scène

Tintamarre : Passé imparfait

On aura tout eu cette année: un cours d’histoire théâtrale à la manière Jean-Claude Germain, en septembre, et maintenant, au Théâtre du Rideau Vert, une petite leçon de choses acadienne, gracieuseté d’Antonine Maillet. Une nouvelle preuve que les intentions pédagogiques ne font pas obligatoirement bon ménage avec la scène…

Le Tintamarre promis (une manifestation acadienne, le 15 août), il faudra l’attendre pendant deux longues heures et demie. Entre-temps, viendront parader, plus ou moins à tour de rôle, des personnages «colorés», représentatifs, j’imagine, de l’Acadie «de toujours et de maintenant». Il y a là, bien sûr, La Sagouine (Viola Léger), une descendante de Pélagie (Édith Butler, manifestement peu à l’aise dans son nouveau rôle de comédienne), une centenaire sagace (Janine Sutto), un vieux pêcheur (Philippe Beaulieu), une ménagère (Diane Losier) dont la nombreuse progéniture est disséminée à travers l’Amérique. Sans oublier, seul et vague fil dramatique de la pièce, Citrouille (Luc LeBlanc), un fils à maman pas très fin finaud, qui soupire après la belle Mariaagélas (Denise Bouchard), laquelle a parcouru le vaste monde avant de renouer avec ses racines.

L’auteure enferme son Acadie natale dans un univers gentil, caricatural et folklorique. Sous la direction lâche, sans énergie, de Guillermo de Andrea, ces personnages emblématiques discutent d’identité, de mémoire, d’exil, de survivance, se racontant dans des monologues souvent ennuyants. Le subtil prétexte à cette succession disparate d’anecdotes et de considérations nationales? La visite de recenseurs invisibles (en fait, on fait endosser ce rôle au public), qui n’en demandaient sûrement pas tant. Nous non plus.
Ajoutez à ce grossier procédé narratif une absence quasi totale de dramatisation (l’histoire d’amour de Citrouille n’est pas crédible pour un sou). Maillet réserve ses meilleurs morceaux à La Sagouine, preuve qu’elle est capable de piques impertinentes. Le combat burlesque pour les bancs d’église et le numéro sur l’utilité de la guerre sont servis avec toute la verve d’une Viola Léger en forme. Mais même là, on étire la sauce interminablement.

Antonine Maillet est en quelque sorte l’auteure maison du Rideau Vert. Pour la cinquantième saison de l’institution, qui se veut représentative de ses diverses tendances, on a donc voulu rendre hommage à l’écrivaine acadienne. Mais, au vu des dernières ouvres de madame Maillet (La Fable des animaux, de pénible mémoire), était-ce vraiment nécessaire? Le théâtre doit se conjuguer au présent.

Disons que pour une compagnie qui entend «entrer de plain-pied dans le 21e siècle», cette vision surannée augure plutôt mal…

Jusqu’au 15 mai
Au Théâtre du Rideau vert

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