La Poupée dans la poche : La grande illusion
Scène

La Poupée dans la poche : La grande illusion

Un grand petit spectacle italien du Teatro delle Briciole vient clore la saison de la Maison Théâtre. Tour à tour conteuse et sorcière, Flavia Armenzoni convie les tout-petits, de trois à six ans, à un exceptionnel moment d’intimité. La Poupée dans la poche possède un charme à part car, comme le fait Daniele Finzi Pasca avec un adulte dans Icaro, la comédienne choisit parmi le public la petite fille avec qui elle jouera, entourant cette participation inusitée _ et risquée, doit-on le préciser _ d’une délicatesse qui lui gagne la confiance de la fillette.

S’adresser à d’aussi jeunes enfants, surtout si l’un d’eux est sur scène, suppose une maîtrise absolue du public, limité ici pour une représentation en «scène intime». Au tout début, Flavia prend soin de préparer les spectateurs. Installés en demi-cercle autour de l’aire de jeu, ceux-ci sont vite captivés par l’histoire de Vassilissa, «une histoire de feu qu’on raconte en Russie, un pays où il fait très froid». La proximité chaleureuse, la lumière feutrée, la musique envoûtante, tout concourt à instaurer un climat propice à l’écoute. Avant de choisir sa partenaire de scène, âgée de cinq ou six ans, Flavia raconte trois fois l’histoire, toute simple, avec une gestuelle répétitive facilitant la compréhension.

Le conte russe Vassilissa la belle d’Afanasiev a inspiré cette pièce à Bruno Stori. Maltraitée par sa belle-mère et ses affreuses filles, Vassilissa est envoyée chez Baba Yaga pour y quérir du feu, et elle doit accomplir quatre tâches pour cette sorcière, laide et exigeante mais pas si méchante: faire la lessive, cuisiner, plier un drap et trier un grand bol de haricots! Heureusement, sa mère lui a donné, avant de mourir, une poupée magique qui toujours l’aidera.

Lorsque Flavia va chercher par la main la petite élue, qui met le fichu rouge et le tablier avec la poupée dans la poche, ses yeux brillent d’excitation et de trac. Rassurante, Flavia l’assoit sur ses genoux et lui souffle à l’oreille quelques mots d’encouragement. Le matin où j’y étais, une seconde Vassilissa a dû succéder à la première, éplorée, mais cela s’est fait avec un tel respect qu’aucun enfant n’a songé à se moquer. Et, à la fin, Vassilissa première a été invitée à venir saluer et a été applaudie comme l’autre, qui s’était prêtée avec entrain au jeu, obéissant à la sorcière et écoutant attentivement les conseils de sa poupée: quand la sorcière va dormir dans sa cabane, la comédienne peut observer la fillette et, en voix off, l’aider à remplir ses tâches. Cette tactique, tout en sécurisant l’enfant, assure le bon déroulement du spectacle.

Avec son complice Letizia Quintavalla, qui signe la mise en scène, Flavia Armenzoni tire les ficelles avec assurance et souplesse, mettant à profit le plaisir du jeu des enfants, disposés à croire à l’illusion théâtrale, à ramasser des oufs imaginaires ou à courir après d’invisibles souris…

À la Maison Théâtre
Jusqu’au 30 mai
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