Christian Bégin : Le saut dans le vide
Scène

Christian Bégin : Le saut dans le vide

Vous connaissez Elvis Gratton? Rencontrez maintenant Francis Frank, chanteur de charme et grand idôlatre de Frank Sinatra, dont il reprend les hits dans I’ve got a Crush on you ou J’ai une orangeade sur toi. Deux ans après sa création, bien accueillie, le spectacle de Christian Bégin, repris ce printemps, prolonge son existence grâce au Festival Juste pour rire, qui s’investit dans l’aventure à titre de coproducteur. Un Festival fort occupé pour Bégin puisque, sitôt son show fini, il sautera dans l’arène du 2e Mondial d’impro, où, du 17 au 25 juillet au Medley, deux équipes nationales affronteront les Belges, les Suisses, les Français et les… Italiens.

Issu du théâtre de création, le comédien signe avec I’ve got a Crush on you… son second one man show, neuf ans après Que reste-t-il de mes amours?. «Je me suis rendu compte que j’avais beaucoup de plaisir à faire ça. Ultimement, je voudrais continuer à faire des shows solos en parallèle – et peut-être même, éventuellement, que cela devienne le premier axe de mon métier. J’aime faire rire, je trouve que l’humour est un véhicule très puissant pour la satire sociale. Et quand on a la prétention de monter seul sur une scène pour parler à 500 personnes, je considère qu’on doit être appuyé par un certain discours ou par une envie de faire "réfléchir" les gens sur le monde dans lequel on vit.»

Ce show qui mêle des monologues de Francis Frank à seize classiques de Sinatra chantés «as is» (avec un band dirigé par Pierre Benoît), est né de «l’envie de parler de la quête du sens, du vide, du fait qu’on s’accroche à n’importe quoi aujourd’hui pour donner un sens à notre vie». «Ça se moque de la montée des sectes, de tout ce qu’on s’invente comme croyances. Ce désir inéluctable de trouver quelque chose qui transcende notre condition nous mène parfois à des choix absurdes: boire notre pisse avec des urinothérapeutes, voir des anges gardiens pendant une fin de semaine, payer Rael 200 000 $ par an parce qu’il promet de nous faire un clone… Je trouve ça risible et inquiétant.»

Ce thème animait aussi Quelques humains, la pièce des Éternels Pigistes, troupe dont Bégin est un membre actif, comme il hante d’ailleurs le théâtre de la génération des trente ans. «Si l’on regarde ce que fait Il va sans dire, Momentum, Alexis Martin, il y a cette espèce d’angoisse devant le vide, la mort de Dieu… Je pense qu’il existe un désir en ce moment de retrouver un sens à ce qu’on fait. Et je trouve ça noble, important qu’on ait un sens du sacré. Je questionne seulement les avenues que ça prend parfois.»

«Somme de plusieurs personnes que j’ai rencontrées et qui ont essayé un paquet d’affaires», Francis Frank, lui, s’est frotté à toutes les thérapies alternatives, toutes les sectes. Le personnage dénonce désormais ces absurdités, leur ayant substitué un nouvel objet de culte: Frank Sinatra, devenu son Dieu et sa Vérité. «Et y a-t-il quelqu’un de plus vide et de plus insipide que Frank Sinatra?»

Christian Bégin, qui prend plaisir à chanter ses hits, avoue aimer «profondément» la musique du crooner. «C’est une musique bébête, du bonbon, et dans mes grands moments de spleen existentiel, ça me calme un peu. Ce qui est très troublant, c’est qu’il y a des gens qui viennent voir le spectacle en s’imaginant voir un hommage à Sinatra.»

Et, ironie du sort, à la sortie, plusieurs courent se procurer des disques de l’interprète de Strangers in the Night… Qui sait si des fans du show n’en viendront pas aussi à développer un culte pour Francis Frank? «Peut-être qu’un jour, on vendra des produits dérivés, que je deviendrai moi-même un gourou! Ce serait pathétique…»

Du 13 au 18 juillet
Au Studio Saint-Laurent
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