Une chance sur un million : Le charme discret de la comédie
Scène

Une chance sur un million : Le charme discret de la comédie

Une chance sur un million, ça pourrait être la probabilité de tomber sur une pièce d’été qui ne compte ni placard, ni malentendu burlesque, ni gros rire gras… Au royaume du quiproquo et de la porte tournante, la pièce présentée au Centre culturel Vanier, à Châteauguay, mise sur une recette autrement intimiste: une jolie petite comédie romantique mettant en vedette seulement deux personnages, engagés dans l’éternelle valse-hésitation de l’amour et du couple. Une formule rafraîchissante pour qui ne goûte pas le vaudeville adultérin.

L’été dernier, le Théâtre/Quatre Corps présentait rien de moins que du Tchekhov, un pari qui s’est hélas révélé malheureux aux guichets. L’audace ne paie pas toujours… Pour son second départ, avec un nouveau directeur à la barre (la précédente équipe ayant démissionné l’automne dernier), la troupe montérégienne revient avec une valeur plus sûre, mais d’agréable tenue: la production de Wrong For Each Other, de Norm Foster, dont le Théâtre a précédemment monté L’amour compte double et L’Homme accessoire. Pour ce faire, la compagnie s’appuie sur une équipe de qualité: les interprètes Stéphane Jacques et Marie-Chantal Perron, ainsi que leur consour Julie Vincent à la mise en scène.

D’une forme cinématographique, Une chance sur un million reconduit un peu la recette qui a fait le succès de films comme When Harry Met Sally: amour, humour et (un peu) de drame. La pièce pourrait s’intituler: «Quand Robert a rencontré Nathalie par hasard dans un restaurant montréalais»… Malaise, nervosité chez cet ex-couple, séparé depuis trois ans. Au fil de la conversation, les anciens tourtereaux remontent le cours du temps via une série de flash-back rapidement amenés (généralement sur un claquement de doigts adressé au «garçon!»).

Défilent alors les temps forts d’une relation malaisée pour ce couple plutôt dépareillé – c’est le propre de ce genre de comédie: il aime le base-ball, elle se berce de musique classique. Elle est une distinguée directrice administrative; lui, un peintre en bâtiment volubile, bon gars un peu macho. Sauront-ils saisir leur nouvelle chance au vol?…

Légère mais pas idiote, la pièce joue sur un habile dosage de comédie et d’émotions. Suffisamment vraie pour ne pas inviter la caricature, avec juste assez de situations et de répliques imprévues pour susciter le sourire, et parfois, un rire franc. Le texte flirte par moments avec la banalité, surtout au début, mais on est happé peu à peu dans cette relation à la fois atypique et si humainement universelle, avec ses étapes charnières, depuis la rencontre maladroite chez le fleuriste jusqu’à la crise qui précipite la fin du ménage. Sans oublier l’irrésistible rencontre gendre / beau-père; le champ miné sémantique que devient une conversation après la première nuit d’amour; et les rendez-vous dans des lieux singuliers, au match de base-ball ou au sommet des montagnes russes, bien évoqués avec trois fois rien.

Dans l’adaptation québécoise – qui passe relativement bien – de Josée La Bossière, le spectacle a surtout la chance de compter sur deux bons comédiens, aussi à l’aise dans la comédie que dans les tournants plus dramatiques du texte. Stéphane Jacques campe avec grande justesse son amoureux convaincu à l’humour terre-à-terre, d’une attachante gaucherie. Dans un rôle un peu à contre-emploi, Marie-Chantal Perron donne corps aux hésitations de son personnage. Les deux se renvoient la balle avec un sens comique naturel et fluide, transformant cette pièce sans prétention en agréable duo.

Il serait dommage que le charme plus discret de ce petit spectacle passe inaperçu au milieu des tape-toi-la-cuisse à l’honneur dans nos théâtres estivaux.

Jusqu’au 21 août
Au Centre culturel Vanier à Châteauguay
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