Daniele Finzi Pasca : Le clown est triste
Scène

Daniele Finzi Pasca : Le clown est triste

Après avoir séduit le public montréalais avec Icaro, le poète-clown DANIELE FINZI-PASCA est de retour avec le derxième volet de sa triologie, Giacobbe.

Avec Daniele Finzi Pasca, on a découvert l’étonnant concept des spectacles «pour un seul spectateur». On a surtout découvert un poète-clown touchant d’humanité, de simplicité et de tendresse. Bonne nouvelle pour tous ceux qu’Icaro a ravis, il y a un ou deux ans: l’artiste suisse est de retour à l’Usine C avec un spectacle de la même eau: Giacobbe. Une présence qui se fera désormais annuelle.

Et ce n’est peut-être qu’un début, si l’on en croit le créateur italophone, joint à Lugano, siège du Teatro Sunil qu’il a fondé. «Il y a eu un coup de foudre entre le Sunil et Carbone 14 (hôte de l’Usine C). On se retrouve dans beaucoup de choses sur le plan humain, même si on fait des spectacles de formes très différentes: eux avec la grande expression des machines théâtrales, et nous en cherchant à réduire tout ça au minimum. On est en train de construire des conditions pour peut-être collaborer ensemble.»

En attendant, on pourra voir Giacobbe dès le 24 août. Créé en 1995, Giacobbe est le petit frère d’Icaro, deuxième opus d’une trilogie de monologues pour un seul spectateur, où le public devient voyeur de cette relation privilégiée. Daniele Finzi Pasca en parle comme un père d’un enfant discret, mais secrètement préféré. «Si l’on imagine que les spectacles qu’on produit sont comme des enfants, c’est le fils plus timide, mais plus poète et plus profond, je crois. C’est un spectacle qui a un peu souffert, au début, de la comparaison avec Icaro. Quand on a un frère aîné qui est absolument sympathique, et qu’on est un peu plus timide… Mais il a survécu. Et moi, j’aime vraiment beaucoup raconter l’histoire de Giacobbe. C’est un peu plus subtil, un peu moins direct. Et c’est beau, je crois.»

Dans Giacobbe, l’heureux spectateur choisi dans la salle par Finzi Pasca pour lui servir de partenaire de scène – «il ne joue pas, il vit une histoire» – se verra confier le rôle d’un… cheval. Dans une «forme pas tellement linéaire, mais très proche du langage des rêves», le clown incarné par l’attachant Suisse raconte à sa monture dépressive le mythe biblique de Jacob. Il puise un grand espoir dans l’histoire de cet homme ordinaire qui a gagné contre un ange envoyé par Dieu. «Si on peut vaincre Dieu, on peut réussir à se vaincre soi-même.»

Cette allégorie joue essentiellement sur trois thèmes. D’abord, la mort. «L’esprit clownesque regarde la peur, la souffrance, la fascination de la mort et il danse autour. Dans Giacobbe, on rêve comment survivre à sa propre mort. Au moins dans les souvenirs qu’on laisse.» C’est l’un des rôles dévolus au clown dans la tradition: rire de la mort. «La clownerie permet la dérision de la mort. Je crois que c’est l’un de nos devoirs.»

Encore plus fondamentalement, le spectacle explore la relation père-fils. «Cette relation étrange, faite de choses qu’on n’arrive pas à se dire, qu’on préfère généralement laisser sous-entendues, entre deux hommes qui, même quand ils s’aiment beaucoup, arrivent difficilement à manifester physiquement leur affection. Voir un fils qui retrouve les jambes de son père pour s’y asseoir, comme il le faisait quand il était enfant, c’est une image absolument extraordinaire.»

Ce spectacle, Daniele Finzi Pasca avoue qu’il est «probablement très dédié à [mon] père. Mon frère Marco – qui signe l’éclairage – et moi, on s’est répété nombre de fois combien de choses on voudrait lui dire. Alors, je l’ai fait à travers un spectacle».

Son padre a-t-il entendu ce qu’il lui a confié par la trame de la pièce? «Si, si. Mais il ne me l’a pas dit!» pouffe l’artiste. Encore une fois, la relation est restée muette… «Je crois qu’un jour il va m’en faire une poésie. Mais se le dire directement, c’est vraiment difficile. Je ne sais pas pourquoi. Mais c’est aussi très émouvant. Ça fait partie de la magie, de la beauté de cette relation. C’est pourquoi quand un père et son fils sentent le besoin de se dire de belles choses, ce sont des moments très fondamentaux, justement parce qu’ils sont rares.»

S’intéressant aussi à la dépression, et, surtout, à l’immense sentiment d’impuissance qu’elle engendre dans l’entourage du malade, qui cherche des solutions, Giacobbe saisit ces trois thèmes dans «leur dimension épique», précise le créateur. «Tout ça nous relie à la tradition des héros perdants de la clownerie. Il y a chez des hommes absolument ordinaires la même conscience de lutter contre les dieux que chez les grands rois. C’est pour ça que l’histoire d’un petit homme peut être aussi une histoire épique.»

Et c’est ce que raconte Daniele Finzi Pasca: des histoires d’hommes fragiles mais courageux, qui cherchent à l’intérieur d’eux-mêmes la force d’affronter les épreuves. Des histoires nourries de mythes mais à dimension humaine. Universelles mais à l’échelle d’un seul être.

Du 24 août au 5 septembre
À l’Usine C
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