L'Aberration des traces : Sécurité maximum
Scène

L’Aberration des traces : Sécurité maximum

Architecte de formation, Diane Leduc goûte depuis au plaisir d’interpréter une danse introvertie. Avec le deuxième volet d’une trilogie L’Aberration des traces, de BENOÎT LACHAMBRE, elle sera à Tangente, ce week-end.

Lorsque la danseuse Diane Leduc a eu l’idée d’inviter un chorégraphe afin de lui créer le premier volet de sa trilogie, elle a d’abord pensé à Harold Rhéaume. Comme ce dernier était déjà occupé à d’autres projets, le nom de Benoît Lachambre lui a alors été suggéré. «Pour être franche, je ne connaissais rien de son travail à ce moment-là», dit-elle d’entrée de jeu. Aujourd’hui, l’artiste de 32 ans remercie la destinée d’avoir mis ce chorégraphe sur son chemin. Grâce à lui, elle a apprivoisé une technique d’interprétation inhabituelle, qui se réfère à l’abandon, plus exigeante sur le plan intellectuel que physique. «Sa danse est comme une manière de lâcher prise. On renonce à nos vieilles habitudes chorégraphiques.»

Architecte de formation, Diane Leduc a appris la danse en suivant des stages ici et là, entre deux contrats d’architecture ou, comme elle le dit en riant, lorsqu’elle en avait envie. Le public montréalais l’a vue, en 1996, dans Les Équinoxes du chorégraphe belge Alain Populaire. C’est à ce moment-là qu’elle a goûté au plaisir d’interpréter une danse introvertie. Mais c’est sa performance dans Dédanse D’elles, un trio signé par Lachambre et livré sur la scène de Tangente voilà deux ans, qui fut la plus révélatrice: enceinte jusqu’aux dents, elle interprétait une gestuelle tout en lenteur et en douceur en compagnie de Geneviève Pépin et Kathleen Dubé. Ce trio nous a permis de découvrir une facette inconnue du talent de Lachambre. Ses créations Délire parfait, The Water fait mal et L’Âne et la bouche nous avaient en effet habitués à un langage chorégraphique dérangeant, cousin germain de la performance. «Ce qui m’importe, c’est de renouveler le processus de création. Quand la chorégraphie est trop définie, on s’éloigne de la vérité», explique Benoît Lachambre.

Benoît Lachambre et Diane Leduc sont en train de boucler, ces jours-ci, le deuxième volet de la trilogie, L’Aberration des traces, qui prendra l’affiche de Tangente dans quelques jours. Je les ai joints au téléphone, au Tanz Werkstatt, à Berlin, plus tôt cette semaine. Plusieurs raisons justifient le choix de Berlin comme lieu de travail. Benoît Lachambre y évolue de façon occasionnelle depuis 1993. Il partage le même point de vue sur la danse que des chorégraphes comme Sasha Waltz, dont on a pu voir le travail à Danse-Cité, il y a deux ans. «Ce que j’aime dans le travail de Benoît, c’est qu’il est à contre-courant, relate Diane Leduc. Il ne travaille pas sur la technique mais sur des états d’âme. Aux répétitions, il nous dit toujours de relâcher notre mouvement, de libérer notre esprit de toute intention et d’observer ce que notre corps nous révèle. C’est un travail minimaliste et en même temps exigeant. C’est aussi très thérapeutique. Sa danse tend vers la transe. Parfois, nous sortons du studio ébranlés.»

Benoît Lachambre et Diane Leduc trouvent une source d’inspiration incroyable dans les rues de Berlin. «Les premiers jours, j’étais bouleversée, raconte la jeune femme. Les maisons portent des cicatrices de la guerre; et les Berlinois sont très directifs, mais leurs gestes, retenus. J’arrivais aux répétitions imprégnée de cette atmosphère.»

Outre Diane Leduc, le chorégraphe dirige Geneviève Pépin et Robin Poitras, une chorégraphe-danseuse qui vit à Régina. Ils travaillent ensemble sur la mémoire du corps et sur la féminité. Pour doper l’adrénaline (et la nôtre par le fait même), les danseuses découvriront les décors presque en même temps que le public. Et, comme dans une exposition, le spectateur pourra observer les interprètes à sa guise: de face, de côté ou de dos (en raison du concept, la compagnie propose deux représentations par soirée).

Par ailleurs, l’installation de Julie Andrée Tremblay et la trame sonore de Laurent Maslé prendront différentes couleurs selon l’ambiance du moment. «Je veux donner au public la liberté de regarder mon oeuvre comme il le souhaite, explique Benoît Lachambre. J’adore les installations, il y a une fraîcheur, une vérité. Ça pousse les interprètes à interagir avec les spectateurs.»

Le dernier volet de la trilogie de Leduc-Lachambre devrait avoir lieu dans deux ans. La danseuse compte réaliser par la suite un projet chorégraphique avec son mentor, Alain Populaire. «Après, je vais sans doute chorégraphier. Comme je suis très lente, ce projet risque bien de se réaliser dans dix ans.»

Du 3 au 6 février
À Tangente
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