Les Ballets Jazz : Néo classique
Scène

Les Ballets Jazz : Néo classique

La nomination de Louis Robitaille à la direction artistique, il y a presque un an et demi, a bousculé les vieilles habitudes des Ballets Jazz de Montréal. Si les intentions du directeur artistique de 42 ans étaient vagues à ses débuts, il sait aujourd’hui où va sa compagnie: les BJM danseront désormais des créations néoclassiques.

Dans la salle de répétition surchauffée, la troupe des Ballets Jazz de Montréal exécute un court extrait de son prochain spectacle, À Fleur de peau/With soul, lequel débutera le 23 février à l’Espace Go. Leurs mouvements sont amples, à la fois fluides et découpés. On y reconnaît sans peine l’influence de la technique classique. Ne manquent que les pointes et nous voilà plongés dans une classe des Grands Ballets Canadiens. Attention, l’illusion n’est pas accidentelle.
La nomination de Louis Robitaille à la direction artistique, il y a presque un an et demi, a bousculé les vieilles habitudes de la compagnie née au début des années soixante-dix, dans la vague du jazz dance de New York. Dans son bureau, l’ex-enfant chéri des Grands Ballets Canadiens m’indique du doigt la soixantaine de chorégraphies sur vidéocassettes confinées au rancart depuis son arrivée. «Elles avaient mal vieilli», me dit-il.
Si les intentions du directeur artistique de 42 ans étaient vagues à ses débuts, il sait aujourd’hui où va sa compagnie: les BJM danseront désormais des créations néoclassiques. Ce changement a été bien accepté par la troupe. Normal, puisque les danseurs des Ballets Jazz de Montréal ont été formés, en bonne partie, dans les écoles de ballet. En fait, ne survivra aux chambardements que la musique jazzée. Mais, là encore, les choix musicaux risquent de s’éloigner du jazz traditionnel. Prenons, par exemple, les rythmes cubains du compositeur Albert Sterling Menendez ou les percussions très world beat de Bobby McFerrin inclus dans le dernier programme des BJM.
Selon Louis Robitaille, la compagnie possède tous les atouts pour se creuser une niche confortable, entre la danse contemporaine et la danse classique. «La danse noire, compliquée, ce n’est pas pour nous, dit-il. On veut toucher le plus possible de spectateurs.» Mais le public les suivra-t-il? On le sait, Les Ballets Jazz de Montréal remportent du succès aux États-Unis, en Europe et en Asie, mais ils sont boudés par le pblic des Grands Ballets Canadiens comme par celui de la danse contemporaine. Trop facile, trop populaire ou trop vieillot, se sont-ils fait souvent reprocher.
En vue de se départir de leur image démodée, les BJM livreront leurs prochains spectacles à l’Espace Go, un lieu de création respecté. Le nouveau directeur artistique reste néanmoins confronté à un drôle de dilemme. En favorisant un répertoire néoclassique, la compagnie risque de voir fondre comme neige au soleil sa popularité à l’extérieur de ses frontières. Mais cela ne l’inquiète pas outre mesure. Ses choix artistiques reposent entièrement sur son intuition. «Si j’aime ce que je présente, le public devrait aimer aussi.» Logique.
Le premier programme de Louis Robitaille s’annonce éclectique, composé d’oeuvres signées par de jeunes talents ayant évolué au sein de la danse sur pointes. Parmi eux, des noms connus comme Myriam Naisy, une chorégraphe française qui avait monté pour les Ballets Jazz de Montréal, en 1997, Tristan et Iseult. Des noms moins connus comme Dominique Dumais, une chorégraphe originaire du Lac-Saint-Jean aujourd’hui établie à Toronto, et Shawn Hounsell, un danseur des Grands Ballets Canadiens chorégraphe depuis peu. Enfin, Louis Robitaille a invité une étoile montante américaine, Mia Michaels.
«C’est un programme en crescendo où prime la sensualité, et structuré comme un vidéo clip.» À Fleur de peau/With soul s’ouvre sur le court solo acrobatique de Myriam Naisy, interprété par Louis Robitaille, qui a dû apprendre la technique de la corde lisse à l’école du Cirque du Soleil pour l’exécuter. Se succèdent ensuite le ballet rythmé pour sept danseurs de Shawn Hounsell et une série de duos de Dominique Dumais, conçus à partir de la personnalité des danseurs. Finalement, la création de Mia Michaels devrait boucler le spectacle sur une note joyeuse.
Qui sait, un jour, les Ballets Jazz de Montréal s’appelleront peut-être les Ballets de Montréal? En attendant, Louis Robitaille semble heureux dans ses nouvelles fonction. Il évolue en classique, mais sans son bazar protocolaire. Il compte danser jusqu’à ce que son corps lui indique que c’est assez. Dans le studio des BJM, les danseurs sont vêtus de t-shirts ou de shorts relâchés, qui n’ont rien à voir avec les maillots seyants des Grands Ballets Canadiens. «Cette allure "décontracte" touche sans doute mon petit côté voyou. Pourquoi faire pareil quand on peut faire autrement?»

Du 23 février au 11 mars
À l’Espace Go
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