Scène

Christian Vézina : Contes à guérir

Homme d’idées, de lettres et d’action, fondateur du Parti Rhinocéros, médecin de campagne et auteur prolifique,Jacques Ferron était tout un personnage. Pas étonnant que Christian Vézina ait eu envie de le mettre en scène.

Homme d’idées, de lettres et d’action, fondateur du Parti Rhinocéros, médecin et auteur prolifique,Jacques Ferron était tout un personnage. Pas étonnant que Christian Vézina ait eu envie de le mettre en scène. Le temps de huit contes, le comédien-poète se glissera dans la peau du défunt «docteur des pauvres». «Son écriture est d’une qualité exceptionnelle, à plusieurs niveaux. Il a un style d’une élégance extraordinaire, influencé par la qualité de la langue parlée en Gaspésie, où il a pratiqué la médecine durant deux ans. La rencontre de son esprit vif, moderne et libre et de cette "parlure" savoureuse donne quelque chose de tout à fait charmant», amorce le poète, qui me parle depuis son domicile de l’île d’Orléans.
Si, depuis plus de dix ans, Christian Vézina vit de la poésie, il a aussi pris, dernièrement, goût au théâtre. Il fait le pont entre ses deux passions, en tentant d’insuffler vie aux textes de ses poètes-fétiches, comme il l’a fait avec Henri bricole, un one man show inspiré de la prose surréaliste d’Henri Michaux. Une veillée chez le Maréchal-Ferron, un autre spectacle solo, qu’il a joué à Québec et à Sherbrooke dans une version légèrement différente, se compose de contes «lucides sans être cyniques» mettant en scène le bon docteur Ferron.
«Ce spectacle ne sera pas un Henri bricole II, tient à préciser Christian Vézina. Pour cette production du NTE, j’avais un petit budget. Cette fois, je n’ai rien. Sur scène, il y aura une chaise berçante, une table, une théière, une tasse et une patère. C’est tout.» Ce dépouillement scénographique ira de pair avec une mise en scène discrète, nous présentant le docteur Ferron dans son cabinet, entre deux consultations. «Si j’avais eu des sous, j’aurais peut-être eu la tentation de faire preuve de mes belles aptitudes à la mise en scène, rigole Vézina. Mais ce n’est pas nécessaire: la parole de Ferron est ici la vedette. En fait, le gros de mon travail est un travail de comédien. Ce n’es pas un rôle très payant… Quand tu pleures ou que tu cries, les gens sont impressionnés; alors que là, c’est joué avec beaucoup de bonhomie. Pourtant, le travail est difficile parce que le texte est très fort, très littéraire, très élégant, et qu’il faut le rendre d’une façon simple, parlée.» Pour accentuer le côté théâtral de son spectacle, Vézina a rédigé des textes qui feront la liaison entre les contes, en pastichant le style limpide et truculent de Ferron.
Ces contes de la folie ordinaire, version terroir, ont un point en commun: «Il ne s’y passe rien, mais tout est dans le regard de Ferron, qui crée une action.» Qu’il traverse un village avec un cochon à ses trousses, attrape une maladie vénérienne – «Racontant ses débuts sexuels, le médecin confie avoir attrapé une "honorée", une maladie à son honneur!» – ou fasse l’éloge d’un «paresseux doublé d’un faible d’esprit», Ferron excelle à mettre en lumière la part d’humanité, et la drôlerie, de ceux qu’il a rencontrés lors de sa pratique en Gaspésie.
Ce grand talent impressionne Christian Vézina qui, toutefois, refuse de louanger trop longuement le docteur Ferron. «Il y a des gens beaucoup plus compétents que moi pour le faire: sa famille, ses amis, ses anciens collègues. Mais, surtout, je trouve ça triste que certains écrivains finissent par être plus connus que leurs oeuvres, qu’ils deviennent des références, mais que personne ne les lise. Ferron, c’est jouissif. Il faut le lire, le dire…»

Du 21 mars au 1er avril
À la salle Fred-Barry