Yumiko Yoshioka : À corps perdu
Scène

Yumiko Yoshioka : À corps perdu

La chorégraphe et danseuse japonaise Yumiko Yoshioka est une figure importante du butoh dans le monde. Son solo intitulé All Moonshine, présenté la semaine prochaine à l’Usine C, risque de provoquer une onde de choc.

Danse de la révulsion, de la révolte, de la métamorphose plutôt que de la métaphore, le butoh fascine, dérange. Les amateurs de danse montréalais ont pu voir à quelques reprises, ces vingt dernières années, des représentants majeurs des mouvances du butoh-: Min Tanaka, Kazuo Ohno, Sankai Juku, entre autres. Cette fois, c’est un solo de la chorégraphe et danseuse Yumiko Yoshioka, intitulé All Moonshine, qui risque de provoquer une onde de choc.
Au début de la pièce, la danseuse est assise, dos au public, immobile. La large échancrure de sa robe et la lumière qui dansera autour d’elle vont diriger notre regard sur l’extraordinaire mobilité de ce tronc qui semble habité d’une vie propre. En fait, ce sont plusieurs formes de vie qui vont s’incarner dans ce corps. Un corps qui se prête avec abandon et contrôle absolu à une métamorphose envoûtante. Lorsque la danseuse s’élèvera du sol, les mouvements vont s’accélérer dans une sorte de rituel cathartique qui culminera lorsqu’elle plongera dans un petit amoncellement de sable. Son visage, tout aussi mobile, sera autant secoué de rictus d’angoisse ou d’effroi qu’il se transformera en des figures grotesques.
Cette artiste japonaise qui vit maintenant en Allemagne est une représentante importante du butoh. En 1974, Yumiko Yoshioka joignait les rangs d’Ariadone, la première compagnie japonaise de danse butoh qui réunissait exclusivement des femmes, dont Carlotta Ikeda. Dans les années quatre-vingt, en Europe et en Amérique du Nord, le butoh a trouvé un nouveau souffle au contact d’autres artistes de multiples disciplines. Yumiko Yoshioka se joignit alors à la compagnie germano-japonaise Tatoeba-Danse Théâtre Grotesque, basée à Berlin, puis, en 1995, elle fonda Ten Pen Chi Art factory, un lieu de création multidisciplinaire, toujours en Allemagne.
Le butoh, né au Japon dans les années cinquante, dans un pays effondré, appelait une véritable rébellion du corps. La première pièce butoh, littéralement «danse des ténèbres», a été créée et inerprétée en 1959 par Tatsumi Hijikata, qui a développé un langage ayant profondément marqué le paysage de la danse-: des corps nus, émaciés, enduits d’argile blanche ou de poudre de riz, les mouvements au ras du sol, les jambes pliées et les pieds en dedans. Cette forme de danse, qui se voulait une réponse radicale à la danse moderne occidentale, a connu plusieurs phases stylistiques, mais reste fondamentalement une réflexion sur le corps, une voie d’accès aux profondeurs du corps enfouies sous les couches sociales et esthétiques.
Yumiko Yoshioka est présente sur scène depuis vingt-cinq ans, mais aussi dans les studios où elle se consacre à l’enseignement du butoh. Outre sa prestation sur la scène de l’Usine C, pour trois soirs seulement, elle sera plus longtemps à Montréal, puisque le Studio 303 offre un atelier intensif pour professionnels, et aussi un cours de maître de trois heures ouverte à tous. Danseurs ou amateurs, voilà un inoubliable rendez-vous auquel nous convie cette artiste exceptionnelle.

Les, 4, 7 et 8 avril
À l’Usine C
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