Yves Desgagnés : Rêve érotique
Scène

Yves Desgagnés : Rêve érotique

Avec la mise en scène du Songe d’une nuit d’été, Yves Desgagnés va signer un spectacle qui fait appel aux sens et au désir. Un hymne au printemps et à la vie.

Yves Desgagnés

a un souhait: il aimerait, qu’après avoir assisté à la production du Songe d’une nuit d’été, les spectateurs sortent du Théâtre du Nouveau Monde avec le goût de baiser!!! Pour ce faire, il a abordé ce classique comme une «expérience charnelle et sensuelle qui va annoncer l’été». Beau programme!

«J’espère que ce sera un show très très sensuel, à la limite du cochon», avance Yves Desgagnés, à propos de la pièce de Shakespeare, qui prendra l’affiche le 9 mai prochain. «Au théâtre, on voit rarement des acteurs avoir des rapports charnels convaincants. On perçoit toujours un malaise. Ou encore, c’est très esthétique. À l’inverse du cinéma, au théâtre, tu ne peux pas faire semblant. Ce qui explique la difficulté de rendre vraisemblables les rapports amoureux pendant une représentation. Au début des répétitions, les acteurs s’embrassaient en riant pour cacher leur timidité. Les gars et les filles se demandaient ce que leurs chums ou leurs blondes allaient penser… C’est normal. Mais heureusement, ils sont passés par-dessus leur gêne.»

Le Songe d’une nuit d’été est une pièce de jeunesse de Shakespeare, écrite à 31 ans, pour répondre à une commande à l’occasion du mariage d’un prince anglais. C’est l’histoire de jeunes amoureux (Maxim Gaudette, Kathleen Fortin et deux nouveaux visages: Julie Perreault et Renaud Paradis) qui fuient l’autorité parentale en se réfugiant dans une forêt obscure et hantée. Elle a souvent été qualifiée d’oeuvre légère, à mille lieues des grandes tragédies shakespeariennes, de Jules César à Macbeth. «J’ai longtemps cru que c’était un divertissement érotico-féerique», renchérit le metteur en scène rencontré au Café du Nouveau Monde, la semaine dernière. «Or, je réalise maintenant que Le Songe a beaucoup de profondeur. C’est une oeuvre sensorielle, presque cabalistique, qui fait appel à l’inconscient. Contrairement à Hamlet, on ne peut pas l’analyser intellectuellement d’un bout à l’autre. C’est une oeuvre révolutionnaire et anarchique, lumineuse et mystérieuse. Mais surtout insaisissable. Comme le désir amoureux.»

«Parmi la littérature classique sur l’amour, poursuit Yves Desgagnés, de Racine à Musset, en passant par Corneille et Goethe, Le Songe d’une nuit d’été est la seule oeuvre incluant toutes les formes d’amour: le triangle amoureux, la romance entre des gens de classes sociales différentes, l’amour sublimé, l’homosexualité, l’hétérosexualité, jusqu’à la bestialité… Tout ce que l’être humain a comme potentiel érotico-amoureux fait partie de ce texte.»

Il s’agit de la quatrième mise en scène d’Yves Desgagnés au TNM. Pourtant, j’aurais juré qu’il en avait signé davantage: «C’est parce que j’ai dirigé mon premier spectacle au TNM (la création de La Passion de Juliette, de Michelle Allen) en 1982! J’avais seulement 24 ans! À l’époque, les metteurs en scène de 25 ans étaient plus souvent invités à travailler dans les institutions.»

Yves Desgagnés n’a pas l’ambition de proposer une (re)lecture révolutionnaire du Songe. «Je ne réinventerai pas la roue. Il y a des milliers de sites Internet sur Shakespeare. C’est l’auteur le plus étudié et le plus joué au monde. Le Songe a été produit des centaines de fois au théâtre et au cinéma. J’essaie surtout de trouver la contemporanéité de l’oeuvre: ce que Le Songe nous dit à nous, Montréalais, au mois de mai 2000. Si je ne trouve pas une nécessité immédiate, ça ne vaut pas la peine de monter une pièce.»

Et pour Desgagnés, la nécessité actuelle, c’est de célébrer la vie et rien d’autre.

Salut Falstaff!
En octobre dernier, la mort subite du comédien Jean-Louis Millette a changé le cours de la saison du TNM. Yves Desgagnés devait diriger une autre oeuvre de Shakespeare, Les Joyeuses Commères de Windsor. Le metteur en scène parle avec émotion de ce Falstaff qui ne foulera jamais les planches: «Aujourd’hui encore, je ne comprends pas que ce gars ne soit plus avec nous autres… Cet acteur était un maître. Il était respecté et respectueux. Je ne voulais pas choisir un autre comédien et répéter dans le deuil. Surtout, j’avais abordé un concept de mise en scène autour de Falstaff et de la personnalité d’acteur de Jean-Louis. J’ai appris sa mort à 15 h. À 15 h 30, j’étais au TNM dans le bureau de Lorraine Pintal… Quelques minutes plus tard, d’un commun accord, on décidait de remplacer Les Joyeuses Commères par Le Songe.»

La vie a été au centre de la préparation de ce spectacle qui affiche pratiquement la même distribution. Mentionnons Nathalie Gascon – une comédienne qui travaille avec Desgagnés depuis près de 20 ans -, Julie Vincent, Jean Marchand, Henri Chassé, Frédéric Dessager, Michel Poirier et Lorraine Pintal qui remonte sur les planches après sept ans d’absence.

«Ce qui m’intéresse au théâtre, c’est de voir une rencontre entre une oeuvre et des acteurs. L’oeuvre n’est pas une matière objective, mais subjective. Faire de la mise en scène, pour moi, c’est gérer les multiples interprétations d’une équipe d’artistes et de concepteurs par rapport à une oeuvre. Mon plaisir au théâtre, c’est d’essayer de comprendre comment d’autres personnes perçoivent les choses. Et de trouver un sens à tout ça, comme si on pouvait réinventer le monde!»

Après 20 ans de métier au théâtre et à la télévision, Yves Desgagnés pense avoir trouvé un juste équilibre entre la mise en scène et le jeu. «C’est très difficile, jouer au théâtre. Mais, humainement, c’est la chose la plus enrichissante qui soit, explique le comédien. À la première, un acteur souffre énormément. Il se meurt de trac. Il est malade et se demande pourquoi il s’est mis dans un tel état… Or, quand il foulera la scène (s’il s’est bien préparé), il se produira un déclic. Alors, l’acteur pourra connaître un type d’abandon qui se rapproche (je reviens toujours à ça) de la jouissance de l’amour. Le théâtre est à la fois sexuel, spirituel, charnel et intellectuel. C’est tout un feeling

Du 9 mai au 4 juin
Au Théâtre du Nouveau Monde
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