Beautés divines : Zone interdite
Scène

Beautés divines : Zone interdite

Malgré toute la bonne volonté du monde, il est des langages auxquels on reste imperméable. Le critique doit rendre les armes. C’est un peu l’effet qu’a eu sur moi Beautés divines, un spectacle d’Omnibus présenté à l’Espace libre: un exercice de  perplexité.

Malgré toute la bonne volonté du monde, il est des langages auxquels on reste imperméable. Le critique doit rendre les armes. C’est un peu l’effet qu’a eu sur moi Beautés divines, un spectacle d’Omnibus présenté à l’Espace libre: un exercice de perplexité.
Succession de tableaux, la nouvelle création de la troupe de mimes se penche sur «l’histoire des corps». Dans un bel espace, ouvert aux atmosphères ocre des éclairages de Jean-Charles Martel, la narratrice, Sirius (Diane Dubeau, grimée, drapée dans un long imperméable noir et dotée d’un micro), commente l’action humaine, ancrée dans trois villes-pôles: Montréal, Mexico et Manhattan. Alors, de quoi ça a l’air l’humanité, vue d’en haut?
Ici, une parodie de l’Amérique. Là, un tableau qui ne manque pas d’irrévérence: une laborieuse petite famille québécoise s’agite sous le regard de ce qui semble être un christ en croix. Sexualité et religion, couple sulfureux. Beautés divines veut porter un regard sur le corps comme «objet de péché». Ailleurs, un couple travesti – chacun empruntant le sexe de l’autre – danse un amusant tango. Puis, on évoque brièvement la tragédie de la bombe atomique. Puis encore, un défilé de mode… «Leurs personnalités valent cent fois plus que leurs histoires, auxquelles il n’y a rien à comprendre, de toute façon…», affirme Sirius, à propos des créatures qui se meuvent sous ses yeux.
Malgré certaines séquences plus révélatrices, et une ironie qui affleure, il est dur de comprendre où l’on veut en venir. Si les corps ne parlent pas toujours, le texte, lui, se fait très bavard, sans guère éclairer davantage. Et c’est ce qui rend l’exercice agaçant: ce texte parfois familier, souvent pompeux, signé Jean Asselin, qui accompagne, tel un commentaire transcendant, les gestes des interprètes (dont les fidèles de la troupe: Francine Alepin, Jean Boilard, Jacques E. LeBlanc…), parfaitement rompus au genre.
Il me semble que les meilleurs spectacles d’Omnibus, ces dernières années, étient ceux qui s’appuyaient sur un texte solide, souvent antérieur à la production, fruit d’une rencontre entre une oeuvre signifiante et l’expertise corporelle de la compagnie. Autrement, celle-ci se condamne à ne guère excéder un territoire que semblent apprécier seulement les initiés.
À force de privilégier une «distance qui gomme les détails» (pour reprendre les mots de Jean Asselin), Beautés divines oublie de nous toucher, nous, pauvres mortels…

Jusqu’au 27 mai
À l’Espace libre

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