Le Songe d'une nuit d'été : Le plaisir du jeu
Scène

Le Songe d’une nuit d’été : Le plaisir du jeu

Voilà un Songe dont on aimerait ne pas se réveiller: étonnamment frais, drôle et sensuel comme de la soie. Véritable caresse pour les yeux, bourrée de surprises, la production du Songe d’une nuit d’été, de Shakespeare, est une fantaisie sur l’amour et le théâtre, qui nous laisse le corps et le coeur en  liesse.

Voilà un Songe dont on aimerait ne pas se réveiller: étonnamment frais, drôle et sensuel comme de la soie. Véritable caresse pour les yeux, bourrée de surprises, la production du Songe d’une nuit d’été, de Shakespeare, est une fantaisie sur l’amour et le théâtre, qui nous laisse le corps et le coeur en liesse.
Dès le merveilleux clin d’oeil du départ, le spectacle mis en scène par le doué Yves Desgagnés nous invite à traverser le rideau pour pénétrer dans un univers éclatant où «carnalité», onirisme et comédie font bon ménage. Aidé par une traduction extrêmement lisible et fluide de Normand Chaurette, son Songe présente un caractère contemporain – et moult anachronismes assumés -, une clarté, une immédiateté qui nous rejoint directement.
Sur la scène du TNM, qu’un matelas géant transforme en arène d’ébats ou de conflits amoureux, les acteurs de ce jeu du désir se vautrent dans un drap chatoyant, qui les camoufle et dont ils émergent sans avertissement, écartant ces flots de tissu écarlate. Tout est étoffe légère, vaporeuse dans ce spectacle, des drapés signés Martin Ferland qui font office de décor – et dont on joue brillamment – aux magnifiques costumes de Judy Jonker. Voyez ces capes réversibles, qui illustrent si bien la passion changeante des jeunes amoureux. Et je retourne ma veste…
Pièce à trois ou quatre intrigues convergentes, et à autant de palliers, où Shakespeare varie avec doigté les tons, les couleurs de l’amour et de l’humour, Le Songe est une oeuvre sur le désir protéiforme. Elle suit le mouvement effréné du désir, montre à l’oeuvre ce sort mystérieux qui peut changer en un tournemain l’objet de son affection, et lui donner le plus étrange des visages… L’amour est non seulement aveugle, il est arbitraire, girouette, impétueux et irraisonné, tour à tour dramatique, burlesque ou cruel.
Avec une belle inventivité, Desgagnés exploite à la fois la théâtralité du texte et la spontanéité amoureuse qu’il dépeint. Ainsi, il a dédoublé le lutin Puck, devenuici un couple de tourtereaux (Julie Vincent et Frédéric Desager). Idée logique, dans une pièce où les êtres vont deux par deux…
Si une ou deux scènes semblent plus faibles ou plus statiques que le reste, les tableaux mettant en vedette le quatuor d’adolescents amoureux sont particulièrement pourvus en fougue. Grâce surtout à la forte présence de Kathleen Fortin, qui énergise par sa truculence comique toutes les scènes dans lesquelles elle joue. À l’opposé des stéréotypes, le choix de la plantureuse comédienne pour camper l’une des jeunes premières apporte une résonance particulière à ce personnage qui se complaît dans la souffrance et ne peut croire qu’elle est aimée…
Mais il ne faudrait pas lever le nez sur le souple et ardent Maxim Gaudette, et l’énergique Julie Perreault, qui zézaie de façon charmante. Ou oublier l’aisance et l’autorité noble de Jean Marchand, ni la justesse comique d’Henri Chassé, qui mène une bande loufoque d’artisans-comédiens amateurs, évoquant un croisement entre une gang de bûcherons et les pensionnaires lunatiques de Vol au-dessus d’un nid de coucous.
En reine des fées, Nathalie Gascon est un peu plus inégale. Et Lorraine Pintal, pas tout à fait aussi aérienne qu’il le faudrait dans ses deux petits rôles féeriques. Mais comment résister à la jouissance de voir la directrice du digne TNM s’éclater, les pattes en l’air, dans une production qui respire à ce point la légèreté et le plaisir du jeu? Qui transpire le plaisir, dans tous ses sens.

Jusqu’au 4 juin
Au Théâtre du Nouveau Monde

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