Rentrée culturelle théâtre : Nos choix
Scène

Rentrée culturelle théâtre : Nos choix

Le Petit Köchel, L’Hôtel des horizons, Mambo Italiano, Ce soir, on improvise, Qui a peur de Virginia, La Reine, etc.

THÉÂTRE DE CRÉATION

Le Petit Köchel
de Normand Chaurette
Au Théâtre d’Aujourd’hui
Quatre ans après Le Passage de l’Indiana, leur première collaboration au Festival d’Avignon, le duo formé de l’auteur Normand Chaurette et du metteur en scène Denis Marleau récidive. Dédoublement, répétition, musicalité: les thèmes dont joue Le Petit Köchel semblent bien être dans les cordes – et les obsessions – des deux artistes. Et annoncer un de ces spectacles formellement rigoureux dont le Théâtre Ubu a le secret. Le Le Petit Köchel met en scène deux couples de soeurs, engagées dans un rituel de répétition, pendant qu’au sous-sol, un enfant cannibale, qu’elles ont sacrifié sur l’autel de la musique, menace de mettre fin à ses jours… Les critiques européens, qui ont eu la primeur de la pièce créée en juillet dernier en Avignon, ont louangé le jeu des interprètes (Louise Bombardier, Louise Laprade, Ginette Morin et Christiane Pasquier), mais ont été plus partagés sur l’ensemble du spectacle, qualifié de texte "envoûtant" et plein d’humour, ou, par certains, d’exercice cérébral. Pour ajouter votre propre note au concert des opinions, rendez-vous au Théâtre d’Aujourd’hui, dès le 12 septembre.

L’Hôtel des horizons
de Reynald Robinson
À l’Espace Go
Avec La Salle des loisirs (Masque du meilleur texte en 1998), le comédien et auteur Reynald Robinson avait fait des premiers pas remarqués dans la dramaturgie "pour adultes". On y découvrait une verve débridée et colorée, une angoisse qui battait sous une noirceur vaudevillesque. Dans L’Hôtel des horizons, toujours en duo avec le metteur en scène Claude Poissant, on nous promet un univers "sensuel et tortueux", où l’on rit "un peu des travers de la nature humaine", lors de la rencontre d’un ado de dix-sept ans avec trois habitants du petit village gaspésien où il a échoué. Créée cet été au Bic, cette coproduction du Théâtre PàP et du Théâtre les gens d’en bas dispose d’une distribution solide: Pierre Collin, Louison Danis, Monique Spaziani, et le jeune Maxime Denommée, révélation de Trick or Treat. Dès le 27 septembre.

L’Hôtel des horizons
de François Archambault
Au Théâtre d’Aujourd’hui
Satiriste d’une génération qui a hérité d’institutions chancelantes, l’auteur de Cul sec et des Gagnants s’attaque cette fois à une tradition quasi tombée en désuétude (sauf chez les motards, semble-t-il…): le mariage. Judith et Philippe tentent de réinventer ce rite amoureux: leur noce sera célébrée sur le toit d’un gratte-ciel, et en costumes médiévaux, s’il vous plaît. Onze personnages y confrontent leur conception du couple et de l’amour. Mais tout bascule avec l’entrée en scène de la mère du marié… L’assemblée unie, pour le meilleur ou pour le pire, par le metteur en scène Jean-Stéphane Roy ne manque pas d’intriguer, puisqu’elle compte notamment France Castel, Claude Despins, Steve Laplante, Reynald Robinson, Marie-Hélène Thibault, Louise Turcot et monsieur Loto-Québec en personne… Yves Corbeil. Un mariage heureux? On le verra dès le 25 octobre.

Mambo Italiano
de Steve Galluccio
Au Théâtre Jean-Duceppe
Exit les auteurs américains qui font habituellement les choux gras de ses abonnés durant les Fêtes: la Compagnie Jean-Duceppe nous sert cette année la création d’un auteur italo-montréalais, Steve Galluccio – dont plusieurs des huit pièces ont été produites en anglais, et qui est un scripteur régulier d’Un gars, une fille. Qui plus est, cette comédie chatouille un sujet inédit (sauf erreur) dans la dramaturgie franco-québécoise: l’homosexualité chez les minorités culturelles. Ou comment être à la fois "italien, fier et gai"… Mamma mia! En dévoilant leur amour, Angelo et Nino causent évidemment une commotion dans leurs famiglias respectives, bien résolues à les ramener "dans le droit chemin". Sur scène, ces personnages très latins emprunteront les traits des Patrice Godin, Michel Poirier, Véronique Le Flaguais, Normand Lévesque, Pierrette Robitaille, Maude Guérin… Dès le 13 décembre.


THÉÂTRE DE RÉPERTOIRE

Luc Boulanger

Ce soir, on improvise
De Luigi Pirandello
Dom Juan
De Molière
Au Théâtre du Nouveau Monde
Difficile de trancher entre l’une ou l’autre de ces pièces qui forment deux valeurs sûres du répertoire européen. D’autant plus qu’elles ont été confiées à deux metteurs en scène renommés pour l’intelligence de leurs lectures des classiques, et pour leur habile direction d’acteurs. Alors choisissons ces deux productions.

Moins de dix ans après avoir écrit son chef-d’oeuvre, Six personnages en quête d’auteur, Pirandello a créé Ce soir, on improvise. Une autre pièce ayant pour thèmes "la tragique impossibilité du vivant à appréhender son moi véritable" et les paradoxes entre la réalité et la fiction. Il y a quelques années, Claude Poissant l’avait brillamment mis en scène, au Trident à Québec. Il refait l’expérience, cette fois au TNM, avec une distribution haut de gamme dont Marc Béland dans le rôle principal, Sophie Clément, David Savard et Kathleen Fortin, une comédienne qui brillait au printemps dernier sur la même scène dans Le Songe d’une nuit d’été. Du 19 septembre au 15 octobre.

Souvent monté ici et ailleurs, le chef-d’oeuvre de Molière n’a pas besoin de présentation. Il suffit simplement de dire qu’un des jeunes acteurs les plus charismatiques du Québec, David Boutin, va incarner le grand séducteur devant l’Éternel. Outre Boutin, Martine Beaulne dirigera aussi Benoît Brière (Sganarelle), Isabelle Blais (Elvire) et 8 autres comédiens. Dès le 7 novembre.

Qui a peur de Virginia Woolf?
D’Edward Albee
Au Rideau Vert
Au milieu des années 80, le Rideau Vert avait produit, sans succès, cette pièce avec Louise Latraverse dans le rôle de Martha. C’est une autre Louise qui va défendre cette femme blessée au plus profond d’elle-même: Louise Marleau. Raymond Cloutier lui donnera la réplique en défendant le mari cynique, George. Qui a peur de Virginia Woolf? n’est pas la plus grande pièce du théâtre américain, mais c’est la plus cruelle. Deux heures dans la vie de ce couple amer et alcoolique vous en diront plus sur les échecs amoureux que l’anthologie des oeuvres de Janette Bertrand! Il faudra donc surveiller ce que Marleau et Cloutier – deux acteurs de métier mais qui ne se sont pas distingués sur la scène depuis des lustres – feront de leur personnage. Parions que Martin Faucher (un metteur en scène que je respecte beaucoup) parviendra à sortir la substantifique moelle dramatique du couple de comédiens. Du 26 septembre au 21 octobre.

La Reine morte
De Henry de Montherlant
Au Théâtre Denise-Pelletier
Ne serait-ce que pour entendre la langue éblouissante de ce grand auteur français très peu produit au Québec ces dernières décennies, il faut aller voir La Reine morte au Théâtre Denise-Pelletier, un drame écrit en 1942, ayant pour thèmes les jeux de pouvoir à la cour et l’impossible amour d’Inès de Castro (Noémie Godin-Vigneault) pour le prince Don Pedro (Hugues Frenette). Denise Guilbault, qui a signé d’excellentes mises en scène de spectacles plus intimistes au Quat’Sous (Le Cryptogramme, Le Génie du crime) éclairera le sombre dessein du roi Ferrante (René Gagnon). Du 26 septembre au 21 octobre.

Le Colonel oiseau
De Hristo Boytchev
Au Théâtre de Quat’Sous
La première saison de Wajdi Mouawad à la barre du Quat’Sous se fait sous le signe de la découverte. Le Colonel oiseau, une oeuvre de l’écrivain bulgare Hristo Boytchev, représente une (dure) métaphore politique des conflits qui ont déchiré les Balkans. Peter Batakliev dirigera une distribution presque entièrement masculine et très talentueuse: Alexis Martin, Patrice Coquereau, Stéphane F. Jacques, Miro, Paul Savoie, ainsi que deux autres comédiens que je ne connais pas: Léo Arguëllo et Vénékina Ghlaurov. Dès le 23 octobre.

Rien à voir avec les rossignols
De Tennessee Williams
Au Théâtre Jean-Duceppe
Une pièce inédite du plus grand dramaturge américain produite à Broadway sur le tard (en 1999), traduite par Michel Tremblay, qui sera mise en scène par Serge Denoncourt: Rien à voir avec les rossignols (Not About Nightingales) est le spectacle le plus attendu cet automne. Sur la scène de Duceppe, une distribution imposante (Michel Dumont, Normand D’Amour, Germain Houde, Marie-France Lambert, Roger La Rue, Stéphane Brulotte, entre autres) donnera des ailes à cette pièce s’inspirant d’un fait vécu: en 1938, quatre détenus d’une prison à sécurité maximale de Pennsylvanie, ayant déclenché une grève de la faim pour protester contre leurs conditions, sont retrouvés brûlés vifs. L’affaire provoqua un scandale étouffé par les politiciens de l’époque. Dès le 25 octobre.

Being at Home with Claude
De René-Daniel Dubois
À l’Espace Go
Entre Albertine en cinq temps et Les Feluettes, Being at Home With Claude, créée au Quat’Sous en 1985, est la pièce québécoise la plus marquante de la décennie du premier référendum souverainiste. Elle a d’ailleurs eu droit à plusieurs productions, en plus d’un film réalisé par Jean Beaudin. Quinze ans plus tard, quelle perception en a l’auteur, qui signera ici la mise en scène? La réponse sera donnée sur la scène de l’Espace Go cet automne. René-Daniel Dubois a choisi Luc Chapdelaine pour incarner Yves, le jeune prostitué homosexuel assoiffé d’amour et d’absolu, et Patrick Goyette pour le rôle de l’inspecteur. Dans les autres productions, ce dernier était défendu par des acteur plus âgés et autoritaires. Claude Gai fait également partie de la distribution. Du 14 novembre au 9 décembre.


THÉÂTRE EN MARGE

Catherine Hébert

Chaque automne, les productions théâtrales sans prétention, montées avec beaucoup de ferveur et peu de moyens financiers, abondent dans les petites salles de la Métropole. Du lot, nous vous présentons les six spectacles qui nous semblent les plus prometteurs. Tour d’horizon.

Marianne Vague
De Pascal Brullemans
Au Théâtre du Maurier
Le metteur en scène Éric Jean semble infatigable. Rappelons que ce diplômé de l’UQAM, fondateur de la compagnie Persona Théâtre, a fait une entrée remarquée dans le milieu théâtral: il a écrit et mis en scène Une livre de chair, et Ushuaïa, jouée dans les Laurentides, participé à la mise en scène de l’événement Le hasard fait bien les choses et, enfin, dirigé la production Camélias, à Chicoutimi. Tout ça, en un an et des poussières! Et maintenant Marianne Vague présentée du 13 au 30 septembre au Théâtre du Maurier du Monument-National. La pièce met en scène un énigmatique triangle amoureux, celui d’Ingrid l’étudiante qui aime Marianne la peintre, qui, elle, couche avec Ricardo le gigolo. Selon Éric Jean, cette pièce romantique "fonctionne comme le cerveau humain: il suffit qu’un personnage pense à quelqu’un pour que celui-ci apparaisse; à un lieu, pour que l’on s’y retrouve; à une émotion, pour qu’elle soit ressentie". Avec Johanne Lebrun – la Marion d’Ushuaïa -, Anik Beaudoin, Hélène Boissinot, Danny Gagné et Anne-Sylvie Gosselin.

Répercussions
Collage de pièces québécoises
À la salle Fred-Barry
La salle Fred-Barry met à l’affiche Répercussions, un alléchant collage de douze extraits dramatiques. Cette production du Théâtre de la Volée propose une visite guidée du répertoire québécois, avec des fragments de pièces éclectiques, dont La Guerre, yes sir!, de Rock Carrier, Jeanne et les anges, de Michel Nadeau, La Cité interdite, de Dominic Champagne et À toi, pour toujours, ta Marie-Lou, de Michel Tremblay. Cette histoire d’un artiste qui peint une toile représentant la société québécoise et qui, pour l’occasion, se remémore les scènes de théâtre l’ayant marqué, sera narrée par Marcel Sabourin, tandis que les scènes choisies seront jouées par Emmanuel Charest, Patrick Lauzon, Sylvie Pouliot, Caroline St-Onge et Karim Toupin-Chaïeb. Du 3 au 21 octobre.

Tapage nocturne
De Francis Montmart
Théâtre Prospero
Un fils entre par effraction dans un salon funéraire pour converser avec le cadavre de son père. Voilà l’intrigante prémisse de Tapage nocturne, un texte inédit du défunt dramaturge Francis Monmart. Les comédiens Luc Morissette et Diego Thornton seront dirigés par un vieux complice du Groupe de la Veillée, Claude Lemieux, qui avait fait de l’excellent boulot il y a deux ans avec une autre sombre production présentée au même endroit, La Femme comme champ de bataille. Ce huis clos sera présenté du 17 octobre au 12 novembre au Théâtre Prospero.

Propagande
De Stéphane E. Roy
À la salle Jean-Claude Germain du Théâtre d’Aujourd’hui
Un détour par la salle Jean-Claude Germain du Théâtre d’Aujourd’hui s’impose, question de vérifier si la Propagande de Stéphane E. Roy produira l’effet escompté. Avec cette création, l’auteur de La Capitulation pose un regard ironique sur le milieu de la publicité. L’intérêt de la chose? En plus d’être un dramaturge à la plume bien aiguisée, doué d’un bon sens de l’humour, Stéphane E. Roy est aussi un ex-publicitaire chez Cossette… Ce regard de l’intérieur se veut à la fois sarcastique, réaliste et, surtout, très humain. Outre l’auteur et metteur en scène de cette pochade, Claude Legault, Normand Helms, Ken Scott, Christine Folley et Claudia Hurtubise se transformeront en publicitaires le temps de nous faire leur "pitch". Du 18 octobre au 4 novembre.

Territoire
De Patrice Dubois
À La Licorne
Du 19 octobre au 11 novembre, la compagnie Janvier Toupin Théâtre d’Envergure présente, à La Licorne, une création aux effluves politiques: Territoire. Mais attention, le texte écrit et mis en scène par Patrice Dubois n’a rien d’un réquisitoire pour un Québec souverain; il s’agit plutôt d’une réflexion sur notre rôle de citoyen. Quelles seront les conséquences du retour de Pierrot dans son village natal, à l’occasion des funérailles d’un ami victime de brutalité policière? C’est ce que nous feront découvrir Marie-Joanne Boucher, Daniel Desjardins, Claude Gagnon, Marie-Claude Gamache, Richard Lemire, Michel Mongeau et Christiane Proulx.

Les Nocturnes cauchemardesques
Par le Théâtre de la Nouvelle Lune et Momentum
À l’Espace Libre
Un happening se tiendra à l’Espace Libre entre le 21 novembre et le 16 décembre: Les Nocturnes cauchemardesques. Il s’agit en quelque sorte d’un deux pour un: chaque soir, la pièce de théâtre fantastique Pension Vaudou, de Louise Bombardier, sera précédée d’une performance d’environ une demi-heure, offerte en alternance par Marie Brassard, Nathalie Derome, Éric Forget et la vidéaste Manon Labrecque. La pièce, présentée l’an dernier en atelier, se déroule dans une pension peuplée d’horribles personnages, dont un dresseur de monstres (!). "C’est à la fois effrayant et très drôle, entre l’horreur et l’ironie", s’enthousiasme la metteure en scène Diane Dubeau. La distribution est à frémir… de plaisir: Violette Chauveau, Maxim Gaudette, Marie-Josée Forget, Dominique Leduc et Jacques L’Heureux.