Jocelyne Montpetit : Histoire d'eau
Scène

Jocelyne Montpetit : Histoire d’eau

JOCELYNE MONTPETIT a toujours eu un penchant pour le théâtre. S’inspirant de la noyade d’Ophélie, dans Hamlet, la chorégraphe a créé un solo complexe et dramatique qu’elle interprétera dans le cadre de Danses à l’Usine.

Jocelyne Montpetit

aime les obstacles. Dans quelques jours, la chorégraphe danseuse nous livrera Vol d’âme à l’Usine C. Un solo complexe qui s’inspire du mythe d’Ophélie, et dont l’exécution incarne la pure ambiguïté: rendre le corps invisible. On a beau s’appeler Jocelyne Montpetit, avoir l’habitude de frayer tête baissée dans des sentiers vierges et de livrer une danse apprise chez les maîtres du buto et du mime, il n’en reste pas moins que le défi semble infranchissable.

"Quand les lumières jaillissent sur scène, Ophélie est dans le fond de l’étang depuis mille ans. Toute la pièce se situe à partir de ce non-lieu, explique-t-elle. Au début, c’est un personnage semi-têtard, quelque chose qui a été mélangé depuis longtemps à la boue et aux algues. Puis, cette chose se transforme: elle devient le fantôme d’Ophélie et traverse plusieurs mémoires dont la mémoire de l’eau, la mémoire de la noyade et la mémoire d’Hamlet jusqu’à disparaître complètement."

L’éclairagiste Axel Morgenthaler accompagne Jocelyne Montpetit dans sa nouvelle aventure. Leur collaboration remonte à 1998, au moment de la création du solo Transverbero. Par la suite, le couple a de nouveau uni ses talents pour la création des solos Icône et À quoi rêvent les aveugles. Sa contribution aux spectacles de Jocelyne Montpetit attire le regard du public autant que la performance de la danseuse, extraordinaire en soi. Cette fois-ci, Jocelyne Montpetit lui a confié un mandat pour le moins casse-tête : recréer la lumière aquatique dans toutes ses nuances. Elle lui a parlé de la peinture de Claude Monet comme source d’inspiration. "Pendant les trente dernières années de sa vie, Monet a essayé de peindre son étang de toutes les façons possibles. Il a été mis à l’écart par les autres artistes car ceux-ci ne comprenaient pas pourquoi il répétait des millions de fois le même paysage. Moi, je trouve ça extraordinaire et touchant. Il s’est attaqué à quelque chose d’impossible à faire: peindre le fond d’un étang !"

Des personnages féminins mythiques qui ont côtoyé la mort hantent souvent les oeuvres de la chorégraphe (Icône s’inspirait du personnage de La Douce de Dostoïevski). " Ophélie a obsédé des centaines d’artistes. Ce n’est pas un hasard si je choisis des personnages disparus dans des circonstances inhabituelles. Ça me permet de travailler avec des personnages fantomatiques, d’aller au-delà des limites corporelles." Elle reconnaît toutefois que Vol d’âme s’annonce comme étant son oeuvre la plus complexe. " C’est une danse qui dure 50 minutes alors que mes pièces précédentes étaient constituées de plusieurs courts solos. De plus, il y a tout un questionnement sur la vie et la mort. C’est difficile de rendre ça de façon claire et limpide. "

L’artiste aux yeux en amande peut dormir en paix, le public montréalais l’a pris sous son aile. Voir un spectacle de Jocelyne Montpetit c’est vivre une expérience unique qui nous conduit à mille lieues de nos préoccupations quotidiennes. La reconnaissance lui est enfin parvenue après quelque quinze ans d’allers et retours entre le Québec et le Japon ou l’Europe. Longtemps, ses pairs ont froncé les sourcils devant son travail emprunté au buto, au mime et au théâtre. Comme Monet, Montpetit a tracé sa voie à force de coups d’intuition et de détermination. Aujourd’hui, une série comme Danses à l’Usine souligne la pertinence de son oeuvre dans l’évolution de la danse contemporaine du Québec. "Ma danse n’est pas entièrement abstraite. Il y a toujours une relation avec un personnage qui me stimule beaucoup et qui me vient sans doute de mon amour pour le théâtre."

Et pour les arts visuels, devrait-on ajouter. Depuis plusieurs années, Jocelyne Montpetit invite des sculpteurs et des peintres à partager son travail. Dernièrement, elle a accepté de danser à l’intérieur d’une exposition de Marcel Barbeau à qui elle voue un grand respect. " Il a vécu des moments de solitude durant sa carrière. Et malgré ses 74 ans, il prend encore des risques. À sa façon, il fait évoluer la peinture. " Sans trop vouloir élaborer, elle confie qu’elle aimerait un jour danser dans un lieu dénué d’une lourde structure telle une galerie. Être en quelque sorte une danseuse éphémère à l’image du fantôme d’Ophélie.

Du 11 au 14 octobre
À l’Usine C

Détours de Babel
C’est bien la première fois que l’Agora de la danse met à l’affiche un spectacle où les interprètes chantent en même temps qu’ils dansent. À mille lieues de la comédie musicale, Détours de Babel de la chorégraphe Janet Oxley et du metteur en scène Jean-François Gagnon, livre d’anciennes ballades, des chants religieux, des chansons à boire, entre autres. Les six interprètes chantent a cappella ou sont accompagnés au piano. Pour la plupart, des danseurs, il s’agit de barytons et d’un ténor professionnels qui bougent bien sur scène (Jean-François Gagnon, Jean-Yvan Fradet et Clermont Tremblay). Tout le contraire de leurs partenaires féminines, des danseuses professionnelles habiles avec la voix (Noémie Jane, Mary Ann Lacey et Janet Oxley). " Le plus difficile fut de dénicher des interprètes qui possèdaient suffisamment de souffle et de musicalité pour à la fois danser et chanter ", explique Janet Oxley.

C’est durant un spectacle de Meridith Monk, à New York, que l’intérêt de Janet Oxley pour le mariage du mouvement et de la chanson est né. Par la suite, la danseuse a pu expérimenter le concept au Groupe de la Place Royale, à Ottawa. Au milieu des années 80, elle s’installa à Montréal, fit un bac en beaux-arts et commença à produire des spectacles de danse chantée. En 1997, elle créa avec Carole Bergeron, Robert Bergner et Jean-François Gagnon le Groupe de Recherche sur l’Intégration de la Voix et du Mouvement, Polyphonie et Chorégraphie (GRIVEM.PEC). Le groupe a monté un premier spectacle qui fut bien accueilli au FRINGE à Toronto. " Le vocabulaire chorégraphique, emprunté à la danse folklorique, reste facile d’exécution ", dit Janet Oxley.
Pour l’occasion, la salle de l’Agora sera réaménagée afin de permettre aux interprètes d’être entourés d’une centaine de spectateurs. "L’Agora s’est montrée intéressée au concept surtout en raison de l’utilisation de la voix."

Du 11 au 14 octobre
À l’Agora de la danse