MeMyLee Miller : Images de marque
Scène

MeMyLee Miller : Images de marque

Lee Miller était un personnage plus grand que nature. Une photographe en avance sur son époque et pourtant en retrait, ou complètement absente, de la plupart des rétrospectives du vingtième siècle. Grâce à Carole Nadeau, la belle Américaine connaît son quinze minutes de célébrité dans un one woman show à son image, c’est-à-dire à la fois fascinant et insaisissable.

Lee Miller était un personnage plus grand que nature. Une photographe en avance sur son époque et pourtant en retrait, ou complètement absente, de la plupart des rétrospectives du vingtième siècle. Grâce à Carole Nadeau, la belle Américaine connaît son quinze minutes de célébrité dans un one woman show à son image, c’est-à-dire à la fois fascinant et insaisissable. Décrit comme le "portrait bidule d’une femme photographe", MeMyLee Miller est un hommage multidisciplinaire éclaté, à des années-lumière de la pièce de théâtre traditionnelle. Un étrange voyage dans le temps offert par une créatrice qui aime flyer

Carole Nadeau voit en Lee Miller une icône de la modernité, un modèle, une femme qui a su devancer son époque. Libre, talentueuse et critique, elle fut mannequin vedette et amante de Man Ray, avant de se découvrir des talents de portraitiste au contact du réputé photographe. Quand la Deuxième Guerre mondiale éclate, elle part pour le front comme correspondante de guerre. Elle s’établit ensuite à Paris, où elle fréquente Cocteau, Éluard, Colette, Aragon et Picasso.

Ce destin hors du commun a inspiré à Carole Nadeau (secondée à la mise en scène par Louis Hudon et Marie Larocque) un hommage étonnant, ponctué de clins d’oeil aux fréquentations surréalistes de madame Miller. En pénétrant dans le Hors-Bord, un ancien atelier de la Main reconverti en laboratoire de création, le spectateur a l’impression d’entrer dans une petite salle de cinéma où quelques rangées de sièges font face à un grand écran. Ce look cinématographique n’est pas fortuit: la création de Carole Nadeau se compose d’une mosaïque de monologues et de projections vidéo. En outre, une énorme lentille photographique s’interpose à plusieurs reprises entre le spectateur et les images projetées sur l’écran, comme si ce dernier se faisait lui-même photographe. Un bon flash…
Les interventions sonores inventives d’Éric Mattson ajoutent à l’effet cinématographique. La création s’ouvre d’ailleurs sur un générique, puis sur une projection vidéo nous montrant une femme à tête de poisson, dans la plus pure tradition surréaliste. Si le début m’a semblé confus, tant parce que Carole Nadeau incarne deux personnages (Miller et une femme qui se passionne pour la photographe) qu’à cause du volume trop élevé des interventions sonores, la pièce se révèle plus émouvante à partir de sa portion égyptienne, dans laquelle le personnage de Lee Miller gagne en profondeur. Parmi les tableaux qui composent le spectacle, celui du souper aux chandelles est particulièment truculent. Imaginez un peu: vêtue d’un kimono, Lee Miller place dans son assiette de la salade de faux seins couronnés de raisins, puis picole et mange en babillant!

Avec MeMyLee Miller le Pont Bridge (la compagnie de Carole Nadeau) poursuit sa recherche de nouvelles formes d’expression. Bien qu’elle soit moins étouffante que sa création précédente, 109, rue de Quincey, cette pièce nous plonge dans la même ambiance onirique, voire hallucinatoire, dont émergent des moments de grâce. Mais étrangement, bien que l’on ait passé une heure trente en compagnie de Lee Miller, le personnage demeure, au final, un mystère. Un peu comme si on avait regardé Lee Miller à travers un de ses clichés, d’un joli flou artistique…

Jusqu’au 28 octobre
Au Hors-Bord