Sur le bord de la fenêtre… : Franc-jeu
Scène

Sur le bord de la fenêtre… : Franc-jeu

Fiction née d’une expérience vécue par Patrick Quintal, le directeur artistique du Théâtre du Double signe, Sur le bord de la fenêtre, un tout petit chien en flammes installe un ultime huis clos, tantôt antagoniste, tantôt complice, entre une sexagénaire se mourant du cancer et son fils.

On aimerait mieux l’oublier, mais il est probable qu’on en passera par là, un jour ou l’autre: se voir le témoin impuissant de la dégénérescence, à la fois physique et mentale, d’un être qu’on a aimé et à qui on n’a pas toujours su l’exprimer. Douloureux rappel du temps qui nous manque, au seuil de la mort…

Fiction née d’une expérience vécue par Patrick Quintal, le directeur artistique du Théâtre du Double signe, Sur le bord de la fenêtre, un tout petit chien en flammes installe un ultime huis clos, tantôt antagoniste, tantôt complice, entre une sexagénaire (Nicole Leblanc) se mourant du cancer et son fils (Quintal). Cette femme qui a son franc-parler ("j’étais ta maman mensuelle", reproche-t-elle au rejeton qui ne venait guère la voir "avant") navigue entre une lucidité sardonique et des hallucinations de plus en plus fréquentes, qui prennent la forme de fantasmes rassurants – et souvent amusants – sur l’autre monde, ou d’une paranoïa apeurée. Elle revoit ainsi son mari décédé, et imagine qu’un minuscule chien est perché sur l’appui de sa fenêtre…

A priori, la compagnie sherbrookoise, qui persiste et signe depuis quinze ans avec des productions (Le Horla, 100% humain) qui s’écartent du réalisme pour plonger dans l’insolite, nous a habitués à des univers plus théâtraux que ce théâtre de chambre (alcôve d’hôpital que le décor restitue minutieusement), très simple, à la forme presque télévisuelle, et nappé à certains moments d’une musique un peu sentimentale.

Tempéré par un humour salvateur, le texte de Quintal ménage pourtant un équilibre entre des détails sonnant juste et des échappées dans l’imaginaire, qui finissent par contaminer même la vision du fils vainement rationnel. Liés par des transitions non appuyées (des changements d’intensité d’éclairage), dans une mise en scène discrète de Luce Pelletier, les brefs tableaux font déferler rapidement une succession d’émotions – peur, colère, délire exalté, détresse prostrée… -, plongeant dans la souffrance ou la mort sans trop s’y appesantir. On goûtera peut-être moins la finale aux accents ésotériques, ou optimistes, dépendant de la perspective…

Patrick Quintal s’est donné un rôle en retrait, celui du fils désarmé, dont il communique surtout l’inconfort, l’impuissance. Nicole Leblanc, elle, hérite d’un de ces personnages forts, à la vitalité combative, où elle excelle. Déployant un éventail d’humeurs contrastées, elle donne vérité et présence à cette femme émouvante qui trouve une sorte de salut dans l’imaginaire.

Jusqu’au 14 octobre
À La Licorne
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