Stéphane E. Roy : Prise de conscience
Scène

Stéphane E. Roy : Prise de conscience

Ex-publicitaire, auteur dramatique, metteur en scène, comédien et chroniqueur à Télé-Québec, ce touche-à-tout de 32 ans s’apprête à diriger Propagande, une satire du merveilleux monde de la pub.

Stéphane E. Roy

se balade en décapotable, porte des complets Armani et ne sort jamais sans son téléphone cellulaire. "Je suis super matérialiste!" reconnît-il en riant, attablé à une terrasse de la chic rue Bernard. Ex-publicitaire, auteur dramatique, metteur en scène, comédien et chroniqueur à Télé-Québec, ce touche-à-tout de 32 ans s’apprête à diriger Propagande, une satire du merveilleux monde de la pub. Au-delà de l’image de jeune loup qu’il projette se profile un créateur idéaliste, convaincu de l’importance de dénoncer l’endoctrinement. Paradoxal? C’est sans doute le mot qui décrit le mieux Stéphane E. Roy…

"J’ai beaucoup de respect pour les publicitaires." Contrairement à l’auteur du vitriolique 99 Francs (et ex-publicitaire), Frédéric Beigbeder, Stéphane E. Roy ne cherche pas à pourrir le fruit dont il s’est nourri. Selon l’ancien concepteur-rédacteur de Cossette, les employés des boîtes de pub – "des gens créatifs, généreux et très intelligents" – ne sont qu’une roue dans l’engrenage du capitalisme sauvage… "Si l’on veut questionner quelque chose, questionnons tout le système économique. Ce système, qui nous fait marcher sur les plus faibles, est-il vraiment le meilleur qu’on puisse choisir?"

Est-il acceptable de renier ses convictions politiques pour se sortir de la dèche? Voilà la question à laquelle devront répondre les protagonistes de Propagande, Sébastien (interprété par Roy) et son collègue François (Normand Helms). "J’ai voulu dépeindre le milieu de la pub, dont je connais les rouages, en y ajoutant une touche politique. Ce qui est audacieux et risqué, parce que la question référendaire, c’est pas mal off beat… En trois ans dans le milieu publicitaire, j’ai beaucoup appris sur notre pays. Il y a une différence entre le Québec et le reste du Canada et pourtant, on essaie de faire comme s’il n’y en avait pas."
Sans vendre le punch de la pièce, disons que Sébastien réalisera une campagne lourde de conséquences. "Il se demandera s’il a dépassé une certaine limite. Dans la vie, ce n’est pas clair où sont situées les lignes à ne pas traverser. À partir du moment où tu achètes un Big Mac, est-ce que tu viens de détruire une forêt?"

En bon fils de pub, Stéphane E. Roy a appâté des commanditaires avec une offre un peu tordue, celle d’intégrer des produits au spectacle. "En mettant de la pub partout sur scène, je veux montrer par la dérision qu’un tel envahissement n’est pas souhaitable. Mais en même temps, je n’ai pas eu le choix de le faire, parce que je n’avais pas de subventions!"
Débordé par la préparation de cette troisième production du Théâtre du Grotesque et du Sublime, le président-fondateur de la Ligue d’improvisation montréalaise (LIM) a choisi de déléguer à une nouvelle génération de bénévoles l’organisation de l’International d’improvisation expérimentale 2000, présenté jusqu’au 22 octobre, dont il demeure le porte-parole. Malgré cela, l’ambitieux créateur continue de travailler vingt-cinq heures par jour. "Oui, je veux le succès, mais pas pour les mêmes raisons que les autres. Les trois quarts des artistes recherchent le succès juste pour être connus. Moi, je le veux pour être libre de dire certaines choses."

"Le risque, c’est que le confort matériel nous fasse oublier nos idéaux, ajoute-t-il. Je pense qu’on doit parfois marcher sur nos valeurs pour pouvoir ensuite mieux s’exprimer, ou le faire plus largement. Grâce aux pubs que j’ai faites pour McDo, je me suis fait connaître, je me suis fait de l’argent, et je peux maintenant parler à un plus grand nombre de personnes. L’important, c’est de ne pas perdre le fil."
Le confort et l’indifférence, très peu pour lui…

L’International d’improvisation expérimentale 2000
Du 12 au 22 octobre
Au Cabaret du Musée Juste pour rire

Propagande
Du 18 octobre au 4 novembre.
À la salle Jean-Claude Germain du Théâtre d’Aujourd’hui