Un simple soldat : Guerre intestine
Scène

Un simple soldat : Guerre intestine

Avec Un simple soldat, le classique de Marcel Dubé, Jacques Rossi nous entraîne avec sobriété et efficacité dans les tranchées d’une guerre… familiale.

Joseph Latour (Louis-Olivier Mauffette) est un simple soldat de la Seconde Guerre. Arrogant, macho, désinvolte et raté, il a été démobilisé avant même d’avoir traversé l’Atlantique. Son retour au bercail après trois ans d’absence ne fait pas l’unanimité. Telle une bombe à retardement, il fait exploser les vieux conflits enfouis au sein de sa famille, qui faut-il le mentionner, est reconstituée.

Comme toute guerre, celle qui sévit chez les Latour est formée de clans. Celui composé de la mère (Marie-Ginette Guay) et de ses enfants (Jean-Nicolas Marquis et Annie Charland) qui auraient préféré revoir le soldat dans un cercueil. Dans le camp ennemi, le père (Raymond Legault), qui malgré le tempérament difficile de son fils, l’aime plus que tout. Et, comparable à un no man’s land, il y a la jeune Fleurette (Laurie-Ève Gagnon), seule enfant née de l’union du couple, qui se charge quant à elle d’éteindre les feux. Sans exception, les comédiens campent brillamment la frustration et l’amertume qui habite chacun des personnages. Soulignons notamment le grand talent de Mauffette, qui parvient à excéder par son aplomb et à charmer par sa sensibilité. Seul bémol, le lyrisme déstabilisant des poèmes chantés par Mathieu Desjardins et Valérie Laroche. On apprécie ceux-ci, puisqu’ils relient les scènes, mais il n’était pas nécessaire d’emprunter un ton aussi simpliste et caricatural. Via les costumes, la scénographie et la musique, la pièce nous plonge dans le Québec ouvrier des années 1950. Jacques Rossi n’a pas tenté de transposer l’histoire à notre époque, et c’est tant mieux. Car le propos, lui, demeure bien moderne. Les chicanes de famille, n’est-ce pas un sujet indémodable?

Après un léger creux dans la deuxième partie, le dénouement est particulièrement réussi. L’intensité explosive du début est remplacée par un étouffement tristement amer. Comme dans n’importe quelle guerre, il y a rarement de vrais gagnants. Mais s’il fallait en choisir un, ce serait certainement Joseph. Mort en Corée, il a le mérite d’être tombé au combat, en simple soldat.

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