George Stamos : Représenter le conflit
Scène

George Stamos : Représenter le conflit

George Stamos s’entoure d’une belle brochette d’artistes pour créer l’univers éclaté de Reservoir-pneumatic et mettre à l’épreuve nos perceptions et nos idées reçues.

Formé dans les années 90 à Toronto, Londres, Amsterdam, puis New York, George Stamos creuse le sillon des postmodernes américains en cherchant à relier l’art à la vie quotidienne et en travaillant l’improvisation structurée dans des oeuvres où la créativité et l’intelligence des interprètes est sérieusement mise à contribution. "Je cherche de très bons techniciens et improvisateurs qui soient capables d’avoir un dialogue mature sur la création et de questionner mes choix, déclare le chorégraphe originaire de Nouvelle-Écosse. C’est le seul moyen de ne pas rester enfermé dans mon imaginaire."

Excellent danseur, on a pu l’apprécier chez Navas, Desnoyers, Van Grimde, Sinha et d’autres, Stamos poursuit donc l’aventure de Reservoir, menée en 2006, avec la même équipe de danseuses aux caractères et au talent affirmés: Sarah Williams, Luciane Pinto et Clara Furey. Accompagné sur scène par les musiciens Owen Chapman et Jackie Galant, le quatuor suit la trame du spectacle tout en jouissant d’une certaine marge de manoeuvre sur la façon d’interpréter la chorégraphie.

Évoluant dans une scénographie luxuriante et composite agrémentée des éclairages de Lee Anholt et des projections vidéo de Jonathan Inksetter, les artistes s’habillent et se déshabillent au gré de leurs humeurs, ils se rencontrent, se confrontent, incarnant les ressources psychiques et physiques dont chacun dispose pour faire face à l’adversité. "Je veux transmettre l’idée que nous avons d’extraordinaires ressources à l’intérieur de nous et qu’en laissant aller nos jugements et nos peurs sur le corps et la sexualité, nous pouvons être plus vivants, plus inspirés, plus positifs, affirme Stamos. Je veux aussi montrer que regarder un problème de société est une façon d’amorcer un processus de transformation."

UN APPEL A LA TOLERANCE

L’appel à la tolérance face à la diversité est au coeur de l’oeuvre de Stamos qui offre une perspective non conformiste sur la notion d’écologie planétaire et relationnelle avec un questionnement plus particulièrement aigu sur le genre. La sensualité est bien présente dans Reservoir-pneumatic et, on s’en doute, elle ne cadre pas avec les stéréotypes ambiants. Âmes rigides s’abstenir. Mais si cette pièce organique et conceptuelle est susceptible de déstabiliser le spectateur, elle n’a pas de visée provocatrice.

"J’ai eu toute une période où je privilégiais vraiment des images violentes, les corps dysfonctionnels, etc., raconte l’artiste de 39 ans. Mais, après le 11 septembre, plus personne n’avait besoin de ce genre de rappel, et j’ai pris un tournant plus positif. Dans Reservoir, il y avait une sorte de lumière, de légèreté, de douceur. Mais la vie, ce n’est pas juste ça. Alors en reprenant la création pour la développer, je suis redescendu de mon petit nuage et j’ai essayé de voir comment on pouvait trouver une résolution dans la tension et le conflit, comment on pouvait représenter un bon conflit. J’ai aimé ça en tant qu’artiste et en tant qu’humain."

La signature singulière que peaufine résolument Stamos est le résultat d’influences multiples. De New York, il est revenu avec un certain héritage des postmodernes, la rigueur intellectuelle d’artistes engagés et le goût du métissage des styles. La Californienne Sara Shelton Mann l’a initié au Qi-Gong et au processus collaboratif, après que son premier mentor, Benoît Lachambre, lui ait donné le goût du travail avec les sens et du chaos organisé. Mais avant cela, celui qui avait débuté au Toronto Dance Theater avait aussi été gogo dancer dans les clubs londoniens.

"J’ai fait là une étude approfondie sur la façon d’être en interaction avec le public, de renouveler le mouvement tout en gardant une esthétique claire, et sur la manière de transformer les techniques d’improvisation de la danse sociale pour les amener dans les théâtres." Comme quoi, tout est dans tout.