Serge Mandeville : D'hier à aujourd'hui
Scène

Serge Mandeville : D’hier à aujourd’hui

Absolu Théâtre prend l’automne de front en présentant coup sur coup deux nouvelles productions, Ailleurs et Rythmes, toutes deux mises en scène par Serge Mandeville.

Comme auteur, Serge Mandeville se plaît dans les récits épiques, les histoires plus grandes que nature, tant qu’elles parlent du monde et font résonner les grands enjeux de notre époque. C’est dans cet esprit qu’il présente Ailleurs, une oeuvre sur laquelle il bûche depuis près de 12 ans. La fable emprunte à des récits de son enfance, au mythe d’Osiris et à des histoires très contemporaines de triangle amoureux et de militantisme pro-palestinien.

"Il y a beaucoup de moi dans ce spectacle, explique-t-il. C’est en partie l’histoire d’un gars qui reprend contact avec ses racines, confronte cela à son présent et comprend enfin ce qu’il est venu foutre dans ce monde. Je suis d’origine égyptienne, j’ai visité le pays de mes ancêtres pour la première fois il n’y a pas si longtemps. Mon personnage vit le même genre de retour aux sources."

Ce jeune homme en quête de sens, Olivier (François-Xavier Dufour), suit les traces du passé au moyen d’une boîte à musique léguée par sa grand-mère (Monia Chokri), dont le fantôme ne quitte pas sa conscience. Si la boîte le mène en pensée jusqu’à Akhénaton et Shéhérazade, il fait au même moment la rencontre bien réelle d’Alice (Véronique Marchand), une militante fougueuse de qui il tombe amoureux. La jeune fille lui fait entre autres réaliser les liens entre son histoire personnelle et le conflit qui perdure en Israël.

"C’est une révélation pour Olivier, poursuit Mandeville, mais il apprend aussitôt qu’Alice a eu une liaison avec son propre frère, Steph (Benoît Drouin-Germain). Ce triangle amoureux évoque pour moi l’histoire d’Isis et d’Osiris, et justement, le frère d’Olivier enseigne la mythologie égyptienne à l’université." Tout s’emboîte, rien n’est laissé au hasard. Cette intrigue à ramifications complexes a aussi imposé à Mandeville une mise en scène fluide et cinématographique "au sens théâtral du terme, précise-t-il, le passage d’un espace-temps à l’autre étant assuré par les mouvements des acteurs". Il cite au passage Peter Brook, dont la démarche d’épuration scénique l’a toujours inspiré et guide son travail.

Dans Rythmes, titre sous lequel le metteur en scène regroupe deux courtes pièces de Samuel Beckett, Pas et Comédie, il explore un tout autre univers. Après Oh les beaux jours, qu’il avait monté en 2004, il est enchanté de poursuivre un dialogue avec l’oeuvre du grand dramaturge, cette fois par un travail très précis sur le rythme et les contrastes.

"J’aime Beckett parce que ses textes sont tellement fondamentaux, ils créent immédiatement un trouble chez le spectateur. C’est totalement viscéral, pas du tout intellectuel à mon avis. Il aborde la vie et la mort dans leur immédiateté, le questionnement existentiel à sa source. Et ça ne laisse personne indifférent."