Pascal Contamine : Dans la jungle des villes
Scène

Pascal Contamine : Dans la jungle des villes

Sans crier gare, Pascal Contamine débarque là où on ne l’attendait pas, avec un solo intimiste inspiré de Gros-Câlin, le premier roman que Romain Gary a signé du pseudonyme d’Émile Ajar.

C’est un fait connu, la compagnie de Pascal Contamine, le CIRAAM (pour Centre international de recherche et d’action artistique et multimédia), cherche de plus en plus à se consacrer à des projets de longue haleine, favorisant la recherche et l’innovation. Le dernier spectacle de l’éclaté metteur en scène, une relecture déjantée du mythe de Prométhée, remonte à 2005. Pour le projet sur lequel il travaille depuis, il s’est imposé une période d’écriture et de recherches en Inde et prévoit la collaboration d’une grosse équipe d’acteurs et de concepteurs. De là notre surprise d’apprendre qu’il présente aujourd’hui un spectacle bien plus modeste, que personne n’avait vu venir.

"J’avais envie de faire une pause dans ce processus, explique-t-il. Gros-Câlin répond à une urgence de créer et de présenter quelque chose. Je le fais parce que j’ai envie de porter la parole de Romain Gary et de faire résonner ce texte dans le monde urbain d’aujourd’hui." Il faut dire que Contamine s’avoue lui-même "fan fini" du célèbre écrivain. Il le lit et le relit depuis l’enfance et admet timidement que Gary/Ajar est le "père spirituel" du CIRAAM. "Je suis fasciné par la qualité de la langue de ses romans, et comme lui, le CIRAAM raconte des histoires tout en tissant une réflexion sur la société." Le fait que Contamine écrive toujours ses textes sous un pseudonyme différent n’est pas non plus étranger à son adoration du romancier…

Gros-Câlin, c’est le nom d’un python pour lequel un certain Monsieur Cousin s’éprend d’un amour déraisonnable. Pourtant désireux de nouer des liens avec ses semblables, Cousin ne parvient qu’à s’en éloigner et finit par se confondre avec son animal de compagnie. "Ce qui m’intéresse avant tout dans cette histoire, dit Contamine, c’est le paradoxe de la solitude urbaine. La population mondiale était de 3,2 milliards de personnes en 1974, quand le roman a été publié. Elle atteint aujourd’hui près de 7 milliards. On n’a jamais eu autant de possibilités de rencontrer des gens, et tout le monde s’isole. C’est insensé."

Contamine, qui est d’abord acteur, avait aussi très envie de jouer, lui qui n’a pas foulé les planches depuis près de cinq ans. "C’est l’acteur qui a proposé au metteur en scène de bâtir le projet", dit-il en ironisant sur sa "manie un peu schizophrène d’écouter l’acteur et le metteur en scène se battre à l’intérieur de lui-même". "L’acteur recherche le plaisir de la langue, poursuit-il, et le metteur en scène préfère le potentiel de recherche qu’offre le texte, se demandant quelle y est la part du conte, de l’exposé, du dialogue. Disons que le spectacle est d’abord une conférence toute simple, qui sera graduellement poétisée, par petites touches." Ajoutons que le personnage s’exprime d’une manière tout à fait sinueuse et digressive, "un défi supplémentaire pour l’acteur", et que son rapport au temps se modifie au fil du récit, "causant un intéressant changement de rythme". Pour le reste, il faudra aller voir de nos propres yeux.