My name is Jean-Paul : Téléphone rouge
Scène

My name is Jean-Paul : Téléphone rouge

My name is Jean-Paul: une incursion débridée dans l’univers de Jean-Paul Daoust.

Il y a plusieurs petites réussites derrière la grande réussite que représente My name is Jean-Paul, cette pièce née d’un collage de textes du poète Jean-Paul Daoust. La finesse du découpage, d’abord, qui installe une réelle tension, fait surgir une histoire où il n’y avait au départ que bribes tirées, rappelons-le, de plusieurs recueils différents. Marcel Pomerlo et André Perrier, qui élaborent ce texte depuis près de trois ans, ont réussi l’impossible: nous faire complètement oublier son caractère composite.

Le public adhère tout de go au drame de ce type récemment revenu de New York, où il est tombé follement amoureux, et qui attend dans son appartement montréalais le coup de fil de son amant. Une attente qui réveille en lui de vieilles fièvres, des peurs incontrôlées, des fantômes. Les emprunts aux divers projets poétiques apparaîtront comme des changements de registre naturels, cette pièce nous faisant osciller entre sentiment de vide intime, blessures d’enfance et soifs identitaires prenant parfois une dimension collective, dans les pulsions que font naître, à Montréal comme ailleurs, les feux de New York et du rêve américain.

Tout aussi réussie est l’interprétation de Marcel Pomerlo, comédien dont on connaît la grande justesse et qui ici, décidément, se surpasse. En incarnant ce Jean-Paul mi-réel, mi-inventé, passant par une gamme très étendue de tonalités, il est simplement brillant, parvenant à rendre Daoust présent sur scène, dans l’attitude et les intonations – quiconque a déjà assisté à une lecture du poète reconnaîtra sa manière de danser avec les mots -, sans jamais tomber dans le portrait comme tel et encore moins dans le pastiche.

Autre succès, l’introduction dans la trame de ce choeur sombre formé par Marie-Josée Gauthier, Harry Standjofsky et Paul-Antoine Taillefer, trio d’ombres lancinantes, d’idées noires qui papillonnent autour de Jean-Paul et se délectent de ses malheurs, jusqu’à l’encourager au suicide. Ce qui aurait pu être loupé comme effet, devenir parasitaire dans le développement de la proposition, est conduit avec une grande intelligence et juste ce qu’il faut de dérision, d’humour, pour installer un riche contrepoint aux propos du désespéré.

Avec son décor léger (pour l’essentiel un grand lustre bigarré ainsi qu’une haute porte plantée nue sur la scène), My name is Jean-Paul pourrait aisément circuler de ville en ville. Mais ces projets étant toujours conditionnels à mille éléments extérieurs, mieux vaut ne pas risquer de passer à côté de cette grande petite production.

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