French Town : Famille fragmentée
Scène

French Town : Famille fragmentée

Le Théâtre Tremplin revisite French Town de Michel Ouellette, une pièce anthologique du théâtre franco-ontarien, créée à Sudbury en 1993.

Ayant pour mandat de faire revivre des oeuvres du répertoire théâtral franco-ontarien, le Théâtre Tremplin, compagnie de théâtre communautaire installée à Vanier, a invité Benoit Roy, jeune metteur en scène sortant du Département de théâtre de l’Université d’Ottawa, à choisir une oeuvre d’hier toujours pertinente aujourd’hui. Son choix s’est arrêté sur French Town, une pièce centrale de la dramaturgie de Michel Ouellette (Le Testament du couturier), qui lui mérita un Prix du Gouverneur général en 1994.

Campée dans une ville ouvrière du nord de l’Ontario, la pièce relate l’histoire d’une famille en rupture: il y a la mère, récemment décédée, qui représente la mémoire de French Town. Réunis pour la première fois depuis des mois, les trois enfants, Pierre-Paul, Cindy et Martin, se querellent sur le passé, le présent et l’avenir. Autre fantôme, physiquement absent celui-là: Bobotte, le père violent auquel chaque "survivant" s’identifie ou dont il se distancie. À la croisée des chemins, les trois descendants devront choisir quelle voie prendre dans la réconciliation avec leurs racines et leur passé, afin de poursuivre leur route. "J’ai été interpellé dans la pièce par le bris entre le réalisme et le monde irréel, fantomatique, qui apparaît par flashbacks. Je trouvais intéressant de faire le lien entre ces deux mondes sur scène, de les faire cohabiter", d’expliquer Benoit Roy

Huis-clos s’inscrivant dans la tradition tragique, French Town mise sur les figures de l’enfermement et de l’isolement pour appuyer la violence, présente dans les corps et les paroles des protagonistes.

Plus que simple accessoire, la langue est au centre du conflit qui divise les frères et soeur: fort de ses études universitaires, Pierre-Paul fait usage d’une langue soutenue, en opposition avec le langage brutal de Cindy, hérité de son père. Martin se situe dans l’entre-deux: il évoque le cheminement vers la paix, la réconciliation avec les racines et la terre. "Martin est le personnage le plus apte à s’identifier à la mère. Si l’espoir règne dans un personnage, c’est dans celui de Martin", observe Benoit Roy, qui a lié chaque protagoniste à un élément: la mère symbolisant l’air; Martin, en personnage médiateur, l’eau; Pierre-Paul, le feu, et Cindy – "celle qui souhaite rester" -, la terre.

Le metteur en scène a en outre choisi d’évoquer la violence du père dans son décor, qui représente la maison familiale ayant subi une explosion. "C’est comme si elle avait été écrasée ou prise dans un vortex de quelque façon. Les différents paliers de la maison, identifiés à différents membres de la famille, semblent tomber dans le vortex, qui signifie pour moi le père, Bobotte."

À voir si vous aimez / Le Chien de Jean-Marc Dalpé, Lavalléville d’André Paiement, L’Homme invisible de Patrice Desbiens

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Présenté en collaboration avec le Théâtre la Catapulte, French Town est la première mise en scène de Benoit Roy en dehors des bancs universitaires. Il proposera prochainement une mise en scène lors du Projet Rideau de la Catapulte, présenté en juin au festival Magnetic North et en septembre à l’événement Zones théâtrales. (M. Proulx)