Michel Gatignol : Porte ouverte
Scène

Michel Gatignol : Porte ouverte

Issue du Fringe, la pièce Portalaphrapon revit pour quelques jours, ramenant à l’Espace Geordie son personnage de metteur en scène tyrannique. L’auteur et metteur en scène Michel Gatignol nous raconte tout de cette grinçante comédie.

Tous les chemins mènent au théâtre, pourrait-on croire en observant la feuille de route de Michel Gatignol. Son passé de rockstar le poursuit, mais l’ancien chanteur du groupe Madame vaque depuis longtemps à d’autres occupations. Il a scénarisé et réalisé des courts métrages, fait pas mal de rédaction et travaillé dans le monde du doublage. Au théâtre, il fraie avec l’underground. Enfant du Fringe, il est venu à l’écriture théâtrale "un peu par hasard".

Il n’en est pas moins un fin observateur du milieu théâtral. Portalaphrapon est une satire dans laquelle Gatignol et ses comédiens, Nicolas Duxin, Monelle Guertin, Dave Jennis, Marie-Claude Therrien, Jonathan Pronovost, Mickson Dubuisson et Michael Richard, portent un regard amusé mais pas très tendre sur le théâtre et ses multiples ramifications. Au centre de la pièce règne un personnage de metteur en scène totalement dictatorial, qui fait subir à ses acteurs les pires humiliations physiques et psychologiques, avant de lancer en toute prétention ses absurdes théories sur la porte de théâtre et d’enclencher une sorte de révolution esthétique dont l’issue est incertaine, sous le regard approbateur d’une journaliste culturelle dont l’esprit critique est pour ainsi dire inexistant.

Gatignol veut-il par là régler ses comptes avec le milieu théâtral et la critique? Pas exactement, mais il s’amuse à mettre en lumière certains excès qu’il observe chez les théâtreux, ici comme en France, d’où il vient et où il retourne régulièrement. "Je trouve que le théâtre a tendance à beurrer épais dans le pathos, qu’il se complaît parfois dans le misérabilisme, qu’il confond émotion et mélodrame. Évidemment c’est une critique, mais ce n’est pas une charge, l’objectif demeure qu’on s’amuse et qu’on rigole."

N’empêche, poursuit-il, "l’humiliation des comédiens, ça existe vraiment. Et je trouve intéressant qu’un être aussi profondément ignoble évolue dans un univers aussi humain que le théâtre; il est tyrannique et tient en même temps un discours humaniste. Tout ça est aussi un peu inspiré de certains ateliers de théâtre dont on peut remettre en question la pertinence. Il y a des gourous dans ce monde-là – ça frôle parfois le sectarisme."

On aura compris que la pièce utilise à fond les potentialités de la structure de théâtre dans le théâtre, parce que "ça donne la liberté de faire et dire des choses qu’on ne ferait pas en premier lieu". Et quand ça laisse place au discours complètement loufoque du tyran et sa théorie sur la porte de théâtre, on entre dans un autre type de dictature: celle de la langue. "Ça m’intéressait de partir d’une proposition complètement farfelue, et de laisser ce truc-là développer sa propre logique de façon très sérieuse. Une manière de montrer le fait que dès qu’un spécialiste ouvre la bouche, on perd le sens critique et on approuve la parole infuse de cette personne, comme si elle présentait toujours une pensée originale. J’aime bien me moquer de ça, amener ça le plus loin possible dans l’absurde."