Sébastien Harrisson : Le murmure du vent
Scène

Sébastien Harrisson : Le murmure du vent

La Gaspésie, le vent qui souffle et les mystères technologiques sont les nouveaux terrains de jeux de Sébastien Harrisson, dont la pièce L’Espérance de vie des éoliennes prend ces jours-ci l’affiche chez Duceppe.

La saison québécoise de Duceppe est faite d’univers à la fois semblables et dissonants. Comme Une maison face au nord, de Jean-Rock Gaudreault, le nouveau texte de Sébastien Harrisson est campé dans une vieille maison sur un territoire presque sauvage, où des souvenirs de famille rejaillissent et éclairent le présent. Comme dans Fragments de mensonges inutiles, de Michel Tremblay, deux époques et deux générations cohabitent.

Là s’arrêtent toutefois les comparaisons. Car la Gaspésie racontée par Harrisson est plus insaisissable que les territoires réalistes recréés par Tremblay et Gaudreault. "C’est une représentation tronquée de la Gaspésie actuelle, explique l’auteur, mais aussi de la Gaspésie de mon enfance et de celle de mes parents. C’est la Gaspésie des secrets de famille."

Harrisson fait ici un virage. Ses premiers textes, comme Floes ou Titanica, portaient un regard sur l’étranger et les univers baroques ou shakespeariens. Si la langue qu’il a donnée à ses nouveaux personnages est en partie lyrique, l’ensemble est ancré dans une réalité plus quotidienne et manifeste un souci d’observer les mutations du Québec contemporain.

Dans une vieille maison depuis peu entourée d’éoliennes, un jeune ingénieur de Montréal venu percer le mystère d’une éolienne rebelle fait la rencontre de Jeanne D’Arc, la propriétaire des lieux, et Liang, la jeune fille dont elle prend soin. La maison, inhabitée depuis longtemps, est visitée par le fantôme de Clément, jeune prêtre qui y a jadis habité. Entre souvenirs et mystères, le réalisme fait place à une part d’irrationnel qui bouscule les perceptions.

"Clément constate la fascination de notre époque pour la science et les équipements technologiques. Je pense, comme lui, qu’il est bien que certaines choses demeurent inexplicables, qu’il faudrait retrouver une part de mystère dans notre manière d’appréhender le monde. J’ai l’impression qu’après notre époque pieuse, on a fait un virage technologique extrême, comme si on pouvait vivre la transcendance par le biais de nos aspirations scientifiques et technologiques. Dans un sens, ça rappelle l’acharnement religieux, en tout cas j’aime bien faire ce parallèle entre la quête de science et l’omniprésence du culte."

Pour parler de religion, Harrisson voulait absolument éviter le cliché du curé oppresseur. "Trop souvent, les religieux sont représentés de manière univoque dans l’art contemporain québécois. Ils sont les violents oppresseurs, et le personnage du curé castrateur est devenu un archétype grossier. Outre Bernard Émond, rares sont ceux qui nuancent la question. À travers la religion, Clément vit un rapport fusionnel avec la culture livresque et la musique. J’ai envie de dire qu’il ne faut pas oublier l’apport positif que les catholiques ont eu sur l’éducation et la culture francophones. Notre sentiment antireligieux s’accompagne souvent d’un rejet de la culture et de la connaissance, et c’est triste." Frédéric Blanchette dirige Luc Bourgeois, Dany Boudreault, Mélodie Lapierre, Danielle Proulx et Catherine-Anne Toupin.