Dominique Porte : Identité forte
Scène

Dominique Porte : Identité forte

Dominique Porte s’est inspirée d’un mythe grec pour la création d’Ulysse, nous et les sirènes. Sur scène, quatre danseurs et deux chanteuses aux voix jazz et lyrique.

C’est à l’occasion d’un séjour en Corse que Dominique Porte a relu L’Odyssée d’Homère et qu’elle a eu l’idée de s’appuyer sur le poème épique pour conduire la nouvelle création qu’elle avait amorcée. De l’épopée d’Ulysse de retour à Ithaque après la guerre de Troie, elle retient dans son titre la référence aux sirènes qui, par leurs voix enchanteresses, tentaient de détourner les bateaux de leur route initiale.

"Au départ, j’avais surtout le désir de mener un processus avec des chanteuses, des compositeurs et des danseurs, et de structurer de courtes improvisations avec des consignes précises pour voir comment ça allait se répondre, raconte la chorégraphe. Je voulais observer dans quel univers on pouvait se rejoindre les uns les autres et démultiplier ce que j’avais vécu dans la co-création d’Un homme et une femme avec Alain Francoeur, soit d’être détourné vers un chemin qui n’est pas forcément le nôtre, qui peut donner lieu à une rencontre déstabilisante ou réconfortante, mais qui n’est pas celle qu’on aurait prévue seul."

Avoir une présence forte et affirmer son identité tout en se laissant influencer par l’environnement. Tel est le défi majeur des interprètes d’Ulysse, nous et les sirènes, pour lesquels Porte a conçu des partitions solos qu’elle a tissées en un tout, un peu comme un auteur crée des personnages avec une logique propre avant de les inscrire dans une histoire commune. Et si les différents tableaux s’inspirent de thématiques telles que le départ, le voyage, l’absence, la mort ou l’identité, la pièce n’est que poésie et métaphores. Chacun y trouvera la narrativité qu’il voudra bien s’inventer.

"Ce qui m’a vraiment inspirée dans L’Odyssée, c’est que l’action se termine toujours dans le chant suivant, commente Porte. Du coup, la pièce est un peu comme un grand puzzle qui se construit par addition de couches. Il y a des éléments récurrents pour chaque solo qui donnent différents points de vue sur chaque personne et sur sa rencontre avec les autres."

Ce processus d’accumulation a aussi présidé à la composition de la bande sonore. Laurent Maslé, qui manipule le son en direct, a proposé des rythmiques que Charles Papasoff a remixées en studio en y ajoutant des voix. C’est sur ce mode que la musique a été écrite. Elle comprend des partitions où la mezzo-soprano Isabelle Ligot et la chanteuse de jazz Nadine Medawar se répondent dans le même registre, et d’autres où elles chantent en solo. Dotées de micros sans fil, elles partagent l’espace des danseurs de manière plus ou moins discrète. "J’ai beaucoup travaillé avec les musiciens en leur disant que c’est la voix qui donne un volume au corps, indique la chorégraphe. Par moments, elle est plus atmosphérique, elle touche à l’espace dans sa totalité, et parfois, elle est plus dirigée vers un interprète ou une action."

Interprétée par Porte et trois danseurs de calibre – Marc Boivin, Victoria May et Heather Mah, qui revient à la scène après sept ans d’absence -, la gestuelle est vive, viscérale, fluide, avec une dimension plus organique et plus douce qu’à l’habitude.