Michel Lavoie : Après l'épreuve
Scène

Michel Lavoie : Après l’épreuve

Survivre au cancer et braver la mort, c’est beau et lumineux. Mais transformer l’expérience en théâtre, c’est faire oeuvre utile et admirable. Entrevue avec Michel Lavoie à propos de la pièce Morceau de peur.

D’abord, une énumération s’impose, car le parcours de Michel Lavoie depuis sa sortie de l’École nationale de théâtre est éclectique. Saguenéen d’origine, il a joué sur quelques scènes montréalaises avant de collaborer à la mise sur pied des Écuries et de fonder, avec Julien Schmutz, le Magnifique Théâtre, compagnie helvético-québécoise qui lui ouvre les portes de l’Europe et lui permet de jouer du théâtre québécois sous un chapiteau à Fribourg. Ce sont les joies de la coproduction internationale, une voie qu’un nombre grandissant de jeunes compagnies d’ici n’hésitent plus à emprunter.

Entre-temps, Lavoie a aussi trouvé la force de survivre à un cancer et d’affronter sa crainte de la mort. Morceau de peur, premier texte de son cru (co-écrit avec Schmutz), est le récit de cette expérience, aussi douloureuse que lumineuse. "La maladie est éprouvante, mais elle se traverse parfois mieux qu’on le croit. Je ne voudrais pas le revivre, mais je ne voudrais pas rayer cet épisode de ma vie. Ça m’a construit, et je trouve essentiel d’en parler."

Pas question toutefois d’écrire un récit de descente aux enfers, ni d’adopter le ton de la confession. L’approche de Lavoie n’est ni anecdotique ni trop directe. Il a choisi une structure morcelée dans laquelle il raconte par bribes l’histoire d’un homme confronté à la peur. Peur de disparaître, peur de ne plus pouvoir pleurer, peur de ne pas enfanter, et puis surtout la peur entraperçue dans le regard dépité de l’autre.

"Je voyais ma mort dans les yeux de mes proches, raconte-t-il. Ils avaient peur de ma mort, mais aussi de leur propre mort. Ça prend tellement à la gorge, cette peur de mourir. Depuis que j’en suis débarrassé, la vie a une nouvelle valeur. Quand la peur de mourir fout le camp, tu n’embarques plus dans les scénarios collectifs de peur, quels qu’ils soient, comme la grippe H1N1. Et tu vis pleinement."

Comme si on plongeait dans l’espace mental du personnage, les morceaux adoptent le rythme hachuré de la pensée en mouvement. "C’est une forme trouée qui va à droite et à gauche et de laquelle se dégage aussi beaucoup d’humour. On essaie de travailler dans la simplicité et la vérité, sans tomber dans le voyeurisme, sans chercher à faire un produit trop fini."