Olivier Aubin et Robert Brouillette : Arnaque, crime et Acadie
Scène

Olivier Aubin et Robert Brouillette : Arnaque, crime et Acadie

Cet été, avec 10-4, le Théâtre des Marguerites tente d’élucider une fraude de 16 millions de dollars, en plus de se frotter à la mafia acadienne. Rencontre avec le metteur en scène Olivier Aubin et le comédien Robert Brouillette.

Le maire de Trois-Rivières Yves Lévesque a défrayé les manchettes plus souvent qu’à son tour au cours des derniers mois, avec le critiqué projet d’amphithéâtre Trois-Rivières sur Saint-Laurent. Si certains pourraient voir 10-4, la nouvelle production estivale du Théâtre des Marguerites, comme un clin d’oeil à la situation, force est d’avouer que ce n’est nullement le cas.

"Il n’y a aucun lien. C’est vraiment un hasard, jure Olivier Aubin, le metteur en scène, qui a adapté la pièce avec Mathieu Bergeron. Nous, on a choisi notre pièce il y a un an. On n’était aucunement au courant de ce qui se passait politiquement à Trois-Rivières à ce moment-là. Mais c’est un drôle de hasard. Des fois, il y a des choses qui sont dans l’air… Quoique, dans le fond, c’est toujours un peu dans l’air. Il y a toujours des histoires comme ça un peu partout, ne serait-ce que sur la scène provinciale ou fédérale."

En effet, la comédie de Paul Slade Smith se veut toujours d’actualité puisqu’elle tourne autour d’une fraude. Une magouille de 16 millions de dollars dont deux policiers (Marc-François Blondin, Émilie Gilbert) soupçonnent le maire (Luc Boucher) de leur municipalité d’être l’auteur. Mais, en voulant élucider le mystère, l’homme et la femme de loi se frottent à rien de moins que la mafia acadienne.

DE L’HUMOUR GRINÇANT

Pièce non traditionnelle, 10-4 se trouve à la frontière de plusieurs genres. "L’humour est très près de l’humour britannique, bien que ce soit une pièce américaine. D’ailleurs, j’ai tout de suite vu une parenté avec les films de Guy Ritchie (Arnaques, crimes et botanique, Snatch, Sherlock Homes), souligne Aubin. C’est glauque-comique, décapant-absurde; je ne sais pas trop comment décrire ça. Habituellement, il faut faire attention à ce genre d’univers-là parce que ça ne touche pas nécessairement le public du théâtre d’été. Mais là, je pense que ça ne va rebuter personne. Il y a quelque chose d’éminemment original et de populaire dans cette pièce-là."

S’inspirant de l’esthétique de Ritchie, il a par ailleurs imaginé un décor des plus baroques. Les deux chambres d’hôtel où se déroule l’action arborent de superbes tapisseries à fleurs, des murs jaunis par la cigarette, des rideaux à motifs à carreaux… "Il y a un côté Twin Peaks dans l’esthétique. C’est presque épeurant par moments, mais ça ne tombe jamais complètement là-dedans. Si ça avait été fait au cinéma, c’est clair que quelqu’un aurait glissé dans une flaque de sang et qu’il aurait été pogné dedans. C’est ce genre d’humour-là."

UNE MECANIQUE PARFAITE

À l’affiche pendant les étés 2008 et 2009 au Théâtre des Marguerites, la pièce Région sauvage avait présenté de sérieux défis scéniques. Qu’en est-il cette fois? "C’est un peu le contraire, estime le metteur en scène. Région sauvage, ça se passait dans 12 lieux différents, qui étaient toujours dans le bois, heureusement. Il y avait l’avion, le canot et un paquet d’autres affaires. Là, c’est toujours à la même place. Le défi est dans l’exécution technique des mouvements. Il y a beaucoup de trucs de portes. Pour que ça fonctionne, il faut que la mécanique soit parfaite. Après ça, on peut se laisser aller à l’humour de la situation, du jeu. Mais si ça accroche dans la mécanique, le spectateur décroche instantanément. C’est cruel pour ça, ce genre de spectacle: tu ne peux pas te tromper! Juste sur le plan sonore, les portes doivent faire une musique." Robert Brouillette, qui incarne le chef de la sécurité de l’hôtel de ville, abonde dans le même sens. "On joue simultanément et il faut entrer nos répliques dans la scène de l’autre, qui joue à côté. Il ne faut pas parler en même temps. Il y a un beat qu’il faut avoir dans cette pièce-là, mais quand on l’a…"

Avec 10-4, le Théâtre des Marguerites reste donc en quelque sorte fidèle à la réputation du théâtre d’été, soit du théâtre de claquage de portes. "Je suis conscient que pour certaines personnes, du claquage de portes, ça peut avoir l’air d’un art un peu mineur. Mais si c’est fait avec rigueur et précision, ça atteint un autre niveau, croit Olivier Aubin. Il y a des clowns de centre commercial qui gonflent des ballons, et il y a Slava qui fait un show au Théâtre du Nouveau Monde. Pourtant, c’est du clown les deux. Pour ce théâtre-là, c’est un peu la même chose."

Outre les précises chorégraphies, les comédiens auront un second défi de taille. "C’est qu’on joue dans une pente! Les portes sont penchées, le lit est penché… et on fait des cascades! Ça va être du sport. Je pense qu’à la fin de l’été, on va marcher avec une jambe plus courte que l’autre!" conclut Brouillette.