George Stamos : Questions de genre
Scène

George Stamos : Questions de genre

Le chorégraphe George Stamos introduit le texte et le travail sur la voix dans Cloak, une variation sur le thème du genre et des identités multiples à laquelle il se livre en duo avec Luciane Pinto.

Originaire de Nouvelle Écosse, George Stamos a roulé sa bosse de Londres à New York en passant par Toronto, Bruxelles et Amsterdam avant de se fixer à Montréal en 1998. Il a signé une vingtaine d’oeuvres depuis 1987, a été interprète pour des chorégraphes très différents, a dansé dans des clubs et a généreusement versé dans les arts performatifs, s’inscrivant à la fois dans le sillage des postmodernes américains et dans la mouvance avant-gardiste d’artistes marginaux.

Créée en juin dernier au Baryshnikov Arts Center de New York, Cloak témoigne de la diversité de ce parcours, mettant l’accent sur le caractère protéiforme de l’identité. "La pratique d’un danseur demande d’être très malléable, d’avoir une grande capacité de transformation, et j’avais envie de regarder cette histoire en moi, explique-t-il. Et puis, j’ai eu 40 ans l’an passé et je suis plus conscient que, dans une vie, il y a de la place pour de nombreuses façons d’être. Et même si deux danseurs peuvent parfois sembler dysfonctionnels quand ils modulent en même temps ce qu’ils sont, je ne traite pas de crise d’identité. Je veux juste montrer combien la question de l’identité est complexe et que c’est bien comme ça."

Sur scène, l’exploration de ces fluctuations identitaires se traduit par le passage parfois brutal d’un état à un autre, par le jeu entre la personnalité réelle des interprètes et d’étranges personnages comme ces lapins-ninjas à la poitrine gonflable, ou encore, par la déconstruction du corps grâce à l’usage de vidéos signées Dayna McLeod. Est également présente dans cette oeuvre la thématique du genre chère à Stamos, avec toutes sortes de combinaisons possibles entre le féminin et le masculin.

Si l’oeuvre reprend des procédés et des idées qui ont marqué ses 10 dernières années de recherche et qu’on y retrouve Luciane Pinto, interprète charismatique et singulière qui a contribué au développement de ses univers et à son évolution artistique, Stamos revient ici à ses premières amours: il se détourne d’une écriture chorégraphique bien ficelée au profit d’un spectacle plus performatif avec des tâches que les interprètes ont à accomplir. Le texte et le travail approfondi de la voix s’avèrent quant à eux de totales nouveautés.

"Le texte s’est imposé comme une nécessité, reconnaît-il. C’est un élément qui renforce la dramaturgie et crée des liens entre des images qui pourraient sembler décousues." Après s’être fait auteur, le chorégraphe a adapté son texte à la scène et en a fait traduire des passages en français. Et tandis que la parole influence la qualité et la nature du geste, la manipulation de la voix en direct prolonge étonnamment le travail du masque. "Mettre un filtre sur ta voix et l’entendre comme si c’était celle d’un autre, ça ouvre de nouvelles portes à l’imagination et c’est vraiment très intéressant, commente le créateur. C’est aussi très libérateur pour des danseurs, car nous sommes éduqués à rester muets."

Une oeuvre éclatée, habillée par les éclairages de Mathieu Poirier et colorée par les ambiances sonores "très cinématographiques" de Thomas Furey.