Jonathan Gagnon / Marie Soleil Dion : À mots ouverts
Scène

Jonathan Gagnon / Marie Soleil Dion : À mots ouverts

Jonathan Gagnon dirige Marie Soleil Dion et les autres membres de Projet Un dans 6h30, un patchwork littéraire contemporain où trois personnages entiers se livrent sans détour.

6h30 amalgame des extraits de textes de huit auteurs contemporains, dont Maxime-Olivier Moutier, pour ne nommer que le plus connu. Le tout, arrangé et complété par les comédiens Maude Boutet, Jean-Pierre Cloutier et Marie Soleil Dion, qui ont travaillé chacun sur leur personnage: Josée, une mère monoparentale épuisée, Olivier, un garagiste féru de porn, et Kim, une jeune femme en peine d’amour.

Les deux actrices et Marilyn Laflamme (à la vidéo) ont eu l’idée de ce spectacle après avoir participé au parcours interactif de Nancy Bernier au 400e. Elles s’étaient alors senties interpellées par la plume de plusieurs écrivains actuels. "Chez beaucoup d’entre eux, les thèmes se rejoignent: le quotidien, l’amour, la solitude, raconte Marie Soleil. On a décidé de pousser notre recherche un peu plus loin."

Le titre, 6h30, évoque d’ailleurs pour eux "le quotidien, la routine, la répétition", poursuit-elle. Lever à 6h30, souper à 6h30. "Ça renvoie également à l’événement qui change tout, ajoute Jonathan Gagnon. Car Josée décide d’inviter ses voisins à un party le 31 mai à 6h30. Elle met beaucoup d’espoir là-dedans pour rencontrer Kim et pour dire à Olivier qu’elle aimerait qu’ils se mettent ensemble." En fait, chacun y voit une chance de salut.

Le metteur en scène, qui s’est joint à l’équipe pour la mise en lecture du texte aux Chantiers du Carrefour 2009, a d’abord été charmé par l’élégance avec laquelle il exprime des préoccupations en prise sur notre réalité. Mais surtout, par le fait qu’avec "une simplicité alarmante", sans "gros drame", il donne accès à la vérité de trois personnages entiers "à travers leurs défauts, leurs rêves".

"Parce qu’ils sont seuls et ils parlent. Ils ne jouent pas de game avec le public. On ne tombe pas dans le cynisme ou l’ironie, explique-t-il. La pièce est un petit fleuve tranquille, où on apprend à les connaître, on s’attache à eux, on comprend ce qui leur arrive et, en même temps, on aurait le goût de leur donner un petit coup de pied dans le derrière."

Exactement le genre de rôle "hyper riche" qu’il aurait aimé jouer. "Même dans la mise en scène, j’ai plus tripé à faire de la direction d’acteurs qu’à développer un concept", note-t-il, avant de préciser qu’à ce chapitre, la difficulté a été de trouver le ton juste, d’enraciner le lyrisme dans le concret.

N’empêche, à l’instar du texte, où le quotidien est abordé avec poésie, il désirait une approche prenant quelques libertés par rapport au réalisme. Par exemple, la vidéo permet d’explorer les fantasmes des personnages. "Le frigo devient un garde-robe, le four micro-ondes, une boîte aux lettres, illustre-t-il. Des petits éléments font qu’on est dans un objet singulier qui reste à inventer."

Enfin, il remarque que l’ensemble s’avère plus sombre qu’à la lecture. "On va davantage en profondeur dans les émotions et on a gratté les bobos de chacun des personnages. Mais il y a aussi des pointes d’humour assez délicieuses. Ce n’est pas lourd", conclut-il, heureux du résultat et impatient de le présenter au public.