Wajdi Mouawad : La rage en habit de soie
Scène

Wajdi Mouawad : La rage en habit de soie

Congélation, froid… Wajdi Mouawad n’avait en tête que des fragments d’idées lorsqu’il a entamé la création de Temps. Genèse d’une pièce déstabilisante et truffée de contrastes.

"Nous vivons dans un cadavre", scande un personnage dans la dernière oeuvre du dramaturge, metteur en scène et directeur artistique du Centre national des Arts, Wajdi Mouawad. L’impression de vivre à l’intérieur d’un macchabée et de ne pas savoir comment s’en échapper exemplifie avec acuité la situation aberrante dans laquelle est piégé l’artiste en ébullition restreint par les contraintes des structures rationnelles qui encadrent son travail.

Interpellé par ce questionnement, Wajdi Mouawad a transposé sur un canevas théâtral la notion du brasier recouvert d’une carapace glabre. Le dramaturge avoue: "Je ne pensais pas qu’un jour j’arriverais à faire un spectacle calme, mais très violent." L’artiste poursuit en évoquant "un contraste très grand entre la douceur de la voix des acteurs, la mélancolie de la musique, très douce, et la violence de ce qui est raconté".

Les spectateurs habitués à la fougue bestiale, voire charnelle de Littoral ou d’Incendies doivent donc, ici, s’éloigner des territoires conquis. Wajdi Mouawad atteste avoir élaboré un spectacle dont la grammaire s’inscrit en rupture avec ses créations précédentes. Ce vent de nouveauté serait particulièrement visible dans la scène finale, qui évite le coup de grâce opératique. "Il n’y a pas catharsis; il n’y a pas un moment de communion générale", explique-t-il.

Le titre Temps ne fut associé à l’oeuvre que quelques semaines avant la première, la pièce étant née d’une résidence au Grand Théâtre de Québec l’automne dernier. L’homme de théâtre explique avec verve le processus de création: "C’est comme si, quand je suis arrivé en répétition au premier jour, j’avais passé l’année à avoir un couvercle posé sur un chaudron d’eau bouillante. Vous savez, il y a toujours un peu de buée qui réussit à passer à travers le couvercle, mais il ne sort que de la condensation. Je suis arrivé un peu avec des condensations dans mon esprit."

Spectacle en constante évolution, Temps ne s’immobilisera qu’une fois le processus de "nettoyage" complété. D’ici là, l’équipe continuera d’alimenter le feu qui nourrit cette pièce "hypnotisante".

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