À toi, pour toujours, ta Marie-Lou : À la dérive
Musique

À toi, pour toujours, ta Marie-Lou : À la dérive

Gill Champagne met en scène pour une deuxième fois À toi, pour toujours, ta Marie-Lou de Michel Tremblay. Des retrouvailles qui auraient pu être plus enthousiasmantes.

En 2000, à Québec, sous la bannière du Trident, Gill Champagne avait eu l’audace de camper l’action d’À toi, pour toujours, ta Marie-Lou, l’implacable "quatuor à cordes vocales" de Michel Tremblay, sur une scène remplie d’eau. La relecture invalidait la croyance selon laquelle la pièce créée en 1971 imposait réalisme et immobilité.

Même s’il est défendu par une nouvelle (et solide) distribution – Denis Bernard, Marie Michaud, Éveline Gélinas et Dominique Quesnel – et que Jean Hazel a apporté quelques modifications à son décor, on peut dire que le spectacle qui tient l’affiche du TNM ces jours-ci est essentiellement le même que celui présenté dans la Vieille Capitale il y a 11 ans. Dommage tout de même que Champagne n’ait pas profité de l’occasion – monter deux fois la même pièce au Québec est un privilège – pour emprunter de nouvelles voies.

Famille tragique

Il faut tout d’abord reconnaître que la mise en scène présente une indéniable richesse symbolique. Alors que les enfants, Manon et Carmen, sont au bout du quai, en mesure de sauver leur peau aussi bien que de se laisser couler, les parents, Léopold et Marie-Lou, paraissent errer dans un purgatoire éternel. Le dispositif scénique fait plus qu’épouser l’ampleur de l’oeuvre, il donne au destin de cette famille montréalaise des années 60, victime de mille et une fatalités, tiraillée entre l’espoir et la résignation, des proportions mythiques.

On reste néanmoins avec le sentiment que le metteur en scène s’est arrêté en chemin. En effet, pourquoi, si on admet le caractère totalement surréaliste de l’oeuvre – on a tout de même affaire à une tragédie à double temporalité où les propos des morts éclairent ceux des vivants -, ne pas opter pour un jeu en conséquence? Gageons que la pièce serait galvanisée par un jeu plus grand que nature, moins réaliste, un registre onirique ou d’outre-tombe, un ton qui s’apparente au récitatif ou à la profération. Ce sera peut-être pour la prochaine fois…