Sylvain Émard, Danielle Proulx, Julie McClemens et Catherine Viau / Le continental XL : Mouvements de masse
Scène

Sylvain Émard, Danielle Proulx, Julie McClemens et Catherine Viau / Le continental XL : Mouvements de masse

Plus de 200 personnes submergeront la place des Festivals pendant le Festival TransAmériques pour un Continental XL orchestré par le chorégraphe Sylvain Émard. Les comédiennes Danielle Proulx et Julie McClemens seront noyées dans cette masse de danseurs amateurs. Catherine Viau fait partie des huit professionnels qui les accompagnent.

Imaginez l’espace de jeu d’un aréna totalement occupé par une armée de fous de danse. Visualisez-les divisés en deux groupes déferlant de chaque extrémité de la place des Festivals pour se rejoindre dans une explosion d’énergie et de bonne humeur, et vous aurez une idée de ce que pourrait donner Le continental XL. Chorégraphiée par Sylvain Émard, l’oeuvre fait suite au Grand continental, qui a rassemblé 65 personnes rue Émery pour l’édition 2009 du FTA, et au Très grand continental, qui en a réuni 120 sur la place Émilie-Gamelin l’année suivante.

"Quand j’ai eu l’idée de croiser la danse contemporaine avec le continental, je pensais à un projet ponctuel qui n’aurait pas de suite", commente le chorégraphe. Trois ans plus tard, il en a exporté la première mouture au Mexique et peaufine actuellement une toute nouvelle chorégraphie sur le même principe: ajouter bras et bustes aux mouvements traditionnels de la danse en ligne, faire glisser les corps au sol, habiter l’espace de figures chorégraphiques inattendues, briser les mouvements d’ensemble par des duos sensibles… Allier la dimension festive de la tradition à l’expressivité de l’art.

"Cette fois, j’ai eu envie de pousser plus loin les exigences chorégraphiques, précise-t-il. La gestuelle n’est pas forcément plus difficile, mais la danse contemporaine marque plus la composition du mouvement et, musicalement, on est aussi plus proche de la création contemporaine." À nouveau composée par Martin Tétreault, la trame sonore est livrée par DJ Mini.

Grande aventure humaine

Une des grandes particularités du Continental, quelle qu’en soit la taille, c’est qu’il invite des danseurs amateurs de toutes sortes à partager le plaisir de la danse et l’effort nécessaire à la création d’un spectacle. La plus jeune participante a une douzaine d’années, le plus vieux en a 78. Pendant deux mois, tous se sont réunis deux fois par semaine pour travailler ensemble. La plupart ont bûché fort à la maison, se référant aux vidéos explicatives des sept chorégraphies qui composent l’oeuvre de 30 minutes. Certains ont aussi profité des huit ateliers facultatifs donnés le samedi pour peaufiner les détails. C’est le cas de Danielle Proulx, qui a entraîné huit membres de sa famille dans l’aventure, dont sa comédienne de nièce Catherine Proulx-Lemay.

"Ma motivation profonde est le plaisir, affirme l’actrice de 58 ans. Même quand on est très fatigué, on ressort régénéré des répétitions. Aussi, le corps étant mon outil de travail, c’est important pour moi de l’honorer. Le simple fait de bouger et de me rendre au bout de mon souffle fait que toutes mes cellules sont en branle et ça me tient vivante. L’expérience nourrit autant l’actrice, la femme, que l’être social, car c’est agréable aussi d’être fondue dans un grand groupe comme celui-là, d’être une goutte au milieu d’un lac."

"J’aime la danse, j’aime Sylvain et j’aime les gens. C’est les trois raisons pour lesquelles j’ai embarqué dans ce projet", lance Julie McClemens, entraînée quant à elle par sa collègue Isabelle Brouillette. Elle confirme: "C’est le fun aussi de faire quelque chose non professionnellement et de manière anonyme, parce que ce qui compte ici, c’est l’ensemble, l’homogénéité."

Au-delà des vedettes mises de l’avant pour promouvoir l’événement, Le continental est une affaire de communauté où les amitiés se lient à travers la danse et débordent du cadre du projet. "Au Mexique, c’est carrément devenu un gros club social, raconte Sylvain Émard, ému et enthousiasmé. Les gens se donnaient des consignes sur Facebook pour venir aux répétitions tous habillés de la même couleur, ils n’en finissaient pas de se donner des becs, de se prendre en photo…"

Pourtant, on s’en doute, tout n’est pas rose au royaume de la danse et de la vie en communauté. Pour huiler la machine, faciliter le processus d’apprentissage et offrir des repères, les danseurs Nathalie Blanchet, Maryse Carrier, Mark Eden-Towle, Geneviève Gauvreau, Jean-François Légaré, Alexandre Parenteau, Julie Siméon et Catherine Viau remplissent les rôles de médiateurs, de modèles et de coachs qui doivent être autant psychologues que pédagogues.

"Deux cents personnes qui acceptent de se placer en dehors de leur zone de confort, ça fait remonter des trucs assez primaires et surprenants, souligne Catherine Viau. C’est super important de ne jamais perdre ça de vue quand on travaille avec eux." Parmi les anecdotes marquantes, elle cite les réactions de certains participants à l’annonce qu’ils devraient danser en duo avec leur voisin immédiat.

"Un homme est venu me voir et m’a dit: "Moi je ne danse pas avec un homme." Je suis restée estomaquée car, dans mon petit monde, ces choses-là n’arrivent pas. Ça m’a donné un reality check. Il y a eu aussi cette jeune fille qui était vraiment mal à l’aise de devoir se coller à un homme d’une cinquantaine d’années. Une collègue lui a simplement dit: "Tu sais, il n’est pas de ton bord!" Ça l’a calmée et leur relation est devenue très amicale au fil du temps. Jamais, dans un autre contexte, cette jeune fille et cet homme ne se seraient dit plus de deux mots."

Bouffée de bonheur

L’autre des grandes caractéristiques de ce projet rassembleur, c’est qu’il rend heureux danseurs et spectateurs. "J’ai vu Le grand continental et je peux dire que comme public, on reçoit de grosses charges en plein coeur, assure Danielle Proulx. Probablement parce que ce ne sont pas des danseurs professionnels et qu’on peut s’identifier à eux. Il y a aussi quelque chose d’extrêmement fort dans le fait que tout le monde a appris la même chose, bouge en même temps et s’exprime dans le plaisir."

"Je pense que la danse est un véhicule extraordinaire pour témoigner de la joie d’avoir un corps et de bouger, renchérit McClemens. Je suis sûre que les gens vont embarquer et que tout le monde va danser à la fin." Cette perspective vous stimule? Branchez-vous sur YouTube. Les chorégraphies y sont décortiquées en vidéo.

www.fta.qc.ca