Iphigénie en auto : Jouer la tragédie
Scène

Iphigénie en auto : Jouer la tragédie

Avec Iphigénie en auto, Maxime Robin transpose les épisodes de l’Orestie au Québec d’aujourd’hui, en espérant que le public s’y reconnaisse. Jeu à l’état pur.

Après la mise en lecture de sa pièce Iphigénie en auto aux Chantiers du Carrefour en 2010, Maxime Robin s’attaque à la mise en scène de cette adaptation de tragédie grecque ancrée dans la réalité actuelle.

"La plupart des auteurs classiques condamnent Clytemnestre parce qu’elle tue son mari, Agamemnon. Sauf qu’on oublie souvent qu’il a d’abord sacrifié leur fille Iphigénie. Elle a le droit d’être en colère. Alors je me suis dit: "Je vais écrire un show qui lui donne une voix"", explique-t-il.

À la recherche d’idées pour transposer cette histoire tout en en conservant l’essence, il a ensuite entendu parler d’un bébé mort suffoqué dans une voiture. "J’ai pensé: "Ça va être le sacrifice d’Iphigénie." Aujourd’hui, Agamemnon ne pourrait pas tuer sa fille parce que son avion pour Kandahar ne décolle pas. Mais il peut l’avoir oubliée dans l’auto."

Sa femme sera incapable de le lui pardonner. Lui partira pour l’étranger. Et leurs enfants, Oreste et Électre, reprocheront son absence à leur mère. Plus tard, ils lui imputeront également la mort de leur père, qui se tuera au volant en état d’ébriété…

"Ce qui est intéressant, c’est que la notion de responsabilité demeure floue. Il en ressort un problème moral, comme dans toute tragédie grecque, observe-t-il. J’ai essayé de créer des situations nuancées, où il est difficile de trancher entre le bien et le mal. Notre compagnie [La Vierge folle] cherche à faire un théâtre qui comprend les personnages plutôt que de les juger."

Il a donc misé sur la vérité des intentions, de l’interprétation, du langage de tous les jours afin de faire en sorte que le public s’identifie aux protagonistes. Il a même poussé l’authenticité jusqu’à défier les conventions théâtrales. "Je ne voulais pas enrober ça dans un mensonge. Alors j’ai décidé de montrer qu’il s’agit d’un jeu et que, malgré tout, ça peut nous rejoindre", précise-t-il.

S’ensuit une mise en scène très ludique. "Ce sont des jeunes qui jouent à Agamemnon, Clytemnestre, Oreste et Électre, indique-t-il. La scénographie évoque un service de garde. Tout est coloré. La musique, les sons sont produits par les comédiens. Ils s’amusent ensemble." N’empêche qu’il souhaite par-dessus tout qu’avec ses zones grises, la pièce arrive à soulever des réflexions.