Sarah Berthiaume : Les trois soeurs allemandes
Scène

Sarah Berthiaume : Les trois soeurs allemandes

Dans le cadre de la quatrième édition de Dramaturgies en dialogue du 5 au 9 septembre, Sarah Berthiaume coiffe le chapeau de traductrice et se glisse dans les mots d’une consoeur allemande en cosignant l’adaptation québécoise de Villa Dolorosa.

Après la Catalogne, la France et l’Argentine, l’événement Dramaturgies en dialogue invite l’Allemagne à venir à la rencontre d’auteurs contemporains francophones. Parmi les nouveaux textes qui feront l’objet de mises en lecture, trois pièces allemandes ont été adaptées par des couples traducteur-auteur bien assortis.

Dans ce chassé-croisé d’écriture, la dramaturge québécoise Sarah Berthiaume (Villes mortes, Disparitions) a fait équipe avec Frank Weigand (qui vient de traduire sa pièce Yukonstyle en allemand) pour l’adaptation de Villa Dolorosa de Rebekka Kricheldorf. "Frank a fait une traduction littérale du texte et je l’ai adaptée dans une langue québécoise et réaliste de notre point de vue montréalais. C’est vraiment un gros morceau, un gros steak, avec plusieurs niveaux de langage et de références", commente-t-elle.

Villa Dolorosa s’inspire de la pièce Les trois soeurs de Tchekhov, mais elle plante les soeurs Irina, Olga et Macha dans le Berlin d’après la chute du mur. "Mon contact avec la dramaturgie allemande s’est fait à travers ces personnages de femmes extrêmement intelligentes, d’une grande culture, mais empêtrées dans le désabusement et l’apathie. Je me suis trouvé beaucoup d’affinités dans la construction de ces rôles à la langue parfois vitriolique, mais non dénuée d’humour", commente Sarah Berthiaume.

À travers le cynisme et l’immobilisme des trois soeurs, la Québécoise a perçu une critique de la société allemande. "L’auteure souligne la différence de mentalité avant et après la chute du mur de Berlin. Avant, tout était simple, plus franc, il y avait les bons et les méchants. Tandis que maintenant, avec la chute du mur et la mondialisation, la conception du bonheur ne tient plus la route. Elles aspirent au bonheur, mais il ne vient jamais. Même si elles ont tout."

Un constat qui arrive à point nommé dans la situation québécoise actuelle, pense Sarah Berthiaume. "C’est intéressant que ce texte nous arrive dans un contexte où les jeunes se sont levés pour manifester dans la rue. Les femmes de la pièce sont éduquées, elles sont nanties, mais n’ont aucun désir de bouger. Je trouvais intéressant de faire ce parallèle entre les étudiants qui se sont révoltés pour avoir plus d’outils et ces trois femmes, qui ont tout mais ne font rien."

En plus de jouer avec les sensibilités, Sarah Berthiaume a pris goût à jongler avec les mots d’une autre. Une première. "Le texte est très verbeux. Les personnages peuvent s’élancer dans de longs discours philosophiques et s’envoyer chier à la réplique suivante. J’ai essayé de reproduire cela dans le rythme, les ruptures de ton. Je me suis amusée à me glisser dans la manière de faire d’une autre et je pense y avoir gagné quelque chose au bout du compte", observe l’auteure.

Villa Dolorosa
Le 8 septembre à 19h
Au Théâtre de Quat’sous

Sarah Berthiaume prendra part à la "rencontre hasardeuse" On the road avec l’auteur et comédien Gilles Poulin-Denis.