Patrice Chéreau / Coma : Sortie de l'enfer
Scène

Patrice Chéreau / Coma : Sortie de l’enfer

Maître du plus grand comme du plus petit, le metteur en scène et cinéaste français Patrice Chéreau quitte les grands plateaux et nous livre sans fard ni trompette Coma, le texte poignant d’un homme rescapé de la mort.

Auteur de la marge, controversé, emprisonné sans procès durant la guerre d’Algérie, ayant vu certains de ses livres interdits ou faire scandale, comme Tombeau pour cinq cent mille soldats, paru en 1967, où se mêlaient sexe (pour une grande partie entre hommes), mort et guerre dans un pays évoquant l’Algérie, Pierre Guyotat nous parvient à travers un solo interprété par le grand metteur en scène Patrice Chéreau. Ce dernier devait diriger Dominique Blanc dans La douleur de Marguerite Duras, mais c’est en personne qu’il vient finalement nous donner Coma, un récit fragmenté, sorte d’odyssée poétique où Guyotat raconte sa lutte contre la dépression évoquée à travers un épisode de coma vécu en 1981.

L’homme de théâtre n’est pas très loquace en entrevue, attrapé au téléphone, visiblement occupé ailleurs, mais l’évocation du magnifique texte de Guyotat fait surgir, entre deux réponses laconiques, sa sincère admiration pour le chemin de croix de l’écrivain. "Ce qui est beau, affirme-t-il, c’est surtout qu’il a survécu à ça et qu’il vit maintenant, et que la dépression l’a quitté. Il a fait un travail extraordinaire sur lui-même et il est en vie. C’est une sortie de l’enfer."

Le texte autobiographique retrace le long et douloureux parcours de l’auteur pour émerger des méandres de la dépression, racontant avec acuité, dans une langue sublime, violente et érotique, la lente perte de contact avec la vie, le corps, le langage, puis sa difficile reconquête. Le moment où il revient à la vie est particulièrement émouvant et le verbe semble être le point d’ancrage de sa résurrection. "La langue a arrêté de le tenir en vie, et quand il l’a retrouvée, il a aussi retrouvé la vie", raconte Chéreau, pour qui le combat contre la souffrance, qui était aussi au coeur du texte de Duras, est fondamental, "nous le faisons tous dans la vie", précise-t-il. "Je pense que le texte de Marguerite Duras raconte aussi, d’une certaine façon, une renaissance. Je suis intéressé par des textes sombres, mais qui donnent raison d’espérer. Je ne pense pas au côté noir. Ce sont des textes avec lesquels on sort du noir et de l’enfer, en fait. Mais pour en sortir, en tant qu’interprète, il faut y entrer un petit peu, pour le montrer aux gens."

Lire seul sur scène, pour celui qui a dirigé d’immenses plateaux de tournage (La reine Margot) et d’opéra, qui compte 33 mises en scène de théâtre, 14 opéras et 11 films à sa feuille de route, représente tout un contraste. "C’est le même métier, argue-t-il. C’est un exercice technique pour moi de dire un texte, de réussir à le faire comprendre de tout le monde, un travail avec le corps et les mots." Dans un parfait dépouillement, Chéreau ne vit sur scène qu’avec le texte et l’espace, dans un retour à l’essence du théâtre qu’il juge salutaire. "À force de faire des projets plus vastes, il faut vérifier aussi qu’on peut faire des projets petits, comme celui-là, qu’on peut mettre en place plus vite. Un grand spectacle de théâtre ou un film, ça prend des années. C’est la vitesse de réalisation qui est importante." Que ce soit dans la grandeur ou dans le plus petit des spectacles, ce qui occupe Chéreau, c’est de raconter des histoires. En voici une née du fond des ténèbres, mais d’où jaillit la lumière.

Du 30 octobre au 4 novembre
Au TNM

Rencontre avec le metteur en scène
Le 1er novembre à 11h30