Un : Décalage identitaire
Scène

Un : Décalage identitaire

En brillant conteur, auteur et metteur en scène, Mani Soleymanlou ravit sur tous les plans dans son solo autobiographique Un qui aborde les tourments identitaires de l’exilé. Le témoignage d’un homme face à lui-même. Un récit épique où le "je" est un "nous".

Iranien d’origine, Mani Soleymanlou a vécu à Paris, Toronto et Ottawa avant d’atterrir à Montréal. Dans la métropole québécoise, la question de son identité se pose plus que jamais. Après son passage à l’École nationale de théâtre du Canada, l’acteur prend part aux "Lundis découvertes" du Théâtre de Quat’Sous où on l’invite à parler de sa culture. En guise de réponse, il pond la pièce Un. Une épopée. La sienne.

Dans la première partie plus intime du spectacle, le charismatique acteur revient sur les vagues souvenirs de ses étés d’enfance passés en famille en Iran. Il y va d’anecdotes éloquentes comme celle où sa lumineuse mère disparaissait sous son voile noir et son air sévère entre deux avions vers Téhéran. Il trace ainsi les contours de son Iran perdu, construit à travers les souvenirs et les errances.

La mise en scène traduit bien les états d’âme de notre héros: sur la scène sont alignées une vingtaine de chaises droites, identiques, comme une armée de soldats. Sorte de salle d’attente où l’on patiente entre deux mondes. L’acteur prendra certaines d’entre elles comme interlocutrices muettes. Il sèmera aussi la pagaille dans cet échiquier trop ordonné.

Dans la seconde partie, après avoir présenté le segment "l’Iran pour les nuls" où il résume la révolution iranienne de 1979, Soleymanlou brosse le portrait de jeunes Iraniens: celui qui use courageusement de son droit de vote au péril de sa liberté, celle qui manifeste au péril de sa vie. Dans l’enchevêtrement des histoires, l’auteur révèle le gouffre qui sépare les enfants qui sont restés de ceux qui sont partis, mais aussi l’impuissance et le sentiment d’imposture des uns vis-à-vis des autres. Les doutes, questionnements et peurs du protagoniste trouvent écho aussi en nous, tous métissés à différents degrés.

Par l’entremêlement d’anecdotes, l’humour et l’autodérision, Un fait parfois penser à Persepolis, la bande dessinée noir et blanc de l’auteure iranienne Marjane Satrapi, mais du point de vue de l’enfant qui a quitté pour de bon. Au fur et à mesure qu’il coule, le texte verse de plus en plus dans le poétique. Au poignant tableau final, il glisse jusqu’au slam lorsque Soleymanlou entrelace le farsi, le français et l’anglais. Dialectes et identités se conjuguent alors au présent.

Jusqu’au 1er décembre
Au Théâtre La Chapelle