L'affiche : De chaque côté du mur
Scène

L’affiche : De chaque côté du mur

Après un passage remarqué au Carrefour international de théâtre, L’affiche de Philippe Ducros s’installe au Périscope. Devoir citoyen.

«Quand quelqu’un meurt à cause de l’occupation, des factions s’approprient sa photo et en font une affiche dont ils recouvrent les murs», nous disait déjà Philippe Ducros au dernier Carrefour de théâtre, où il était venu présenter L’affiche. Il partageait alors avec nous son envie d’un théâtre frontal, résolument engagé; son désir aussi de mettre un visage sur les statistiques, de présenter un peu de la réalité du conflit israélo-palestinien. Pas des chiffres, ni des données; il fallait donc entrer dans le vécu, dans «ce qui touche».

Autour d’un sujet aussi sensible, qui «génère des passions incontrôlables», la pièce courait le risque du parti pris. Et pourtant, l’horreur des deux côtés du mur – les souffrances palestiniennes autant que celles de la «jeunesse israélienne sacrifiée sur le bûcher de l’occupation» – nous est si équitablement montrée que les objections font long feu.

Une telle pièce aurait également pu s’avérer trop chargée, tant il y aurait à dire. Avec toute l’info que Ducros a accumulée sur le Moyen-Orient – et l’expérience du terrain, surtout, lui qui s’y est rendu en témoin à six reprises –, il n’y aurait eu là aucune surprise. Et pourtant. «Je me rappelle avoir cessé de m’informer, à un certain moment du processus de création, parce que j’étais surloadé”; et là je me suis concentré sur le destin des personnages que j’avais devant moi, ce qu’eux vivent.»

Bingo.

Le rendu aurait aussi pu manquer de distance, bien sûr, tirant trop sur les cordes faciles. Et pourtant, le récit est épuré, et rien ne s’y trouve qui ne le sert: «Le fait que le texte ait pris du temps à se retrouver sur scène, moi ça m’a donné du recul en tant que metteur en scène», complète Ducros.

Entre 2004, où il a entamé son projet, et 2009, où il a été joué pour la première fois à Espace Libre à Montréal, les heures de travail n’ont pas manqué: «Le texte est très travaillé, parce que ça m’a pris du temps avant qu’il soit joué. Quand est venu le temps de la mise en scène, j’avais déjà un peu de recul sur mon propre travail.»

À des milles de toute intellectualisation, le résultat est cette pièce qui frappe, un coup à encaisser, mais une charge sans excès. Un traitement qui fait honneur à son sujet.

On a hâte. (Faut-il le taire?)