ATSA / Annie Roy / Se mettre dans l'eau chaude : Balnéothérapie collective
Scène

ATSA / Annie Roy / Se mettre dans l’eau chaude : Balnéothérapie collective

Les quartiers populaires s’embourgeoisent. La société du divertissement étend ses tentacules. La détente est la nouvelle religion. Avec Se mettre dans l’eau chaude, l’ATSA nous invite au spa pour réfléchir à la tyrannie du confort.

L’Espace libre est un espace théâtral modulable, mais vous ne l’aurez sans doute jamais vu aussi transformé. L’ATSA (Association terroriste socialement acceptable) en fait un espace de détente nouveau genre, avec baignoires à remous et sauna sec. Mais pas question de décrocher des problèmes du monde: le spa devient ici un espace de réflexion. Que vous choisissiez le forfait mouillé, en maillot de bain dans la piscine, ou le forfait sec, au chaud dans le sauna, ce déambulatoire dirigé posera la grande question: le confort est-il responsable de notre inertie?

Connus pour avoir orchestré pendant de nombreuses années l’événement de solidarité populaire États d’urgence, Annie Roy et Pierre Allard n’ont pas cessé leur œuvre d’art et d’engagement depuis que Patrimoine Canada leur a coupé partiellement les vivres en 2010 quand le ministre Moore a jugé déplorable de financer un groupe portant le mot «terroriste» dans son nom. Leurs activités, désormais plus modestes, se sont notamment arrimées au mouvement mondial des indignés en 2011 et aux manifestations étudiantes l’an dernier. Mais voici que la fatigue s’est réinstallée dans la Belle Province et que les indignés ont délaissé la rue et les casseroles pour retourner au spa nordique et à la table de massage.

«On veut utiliser l’iconographie du spa, explique Annie Roy, pour créer un décor contrasté et aborder la situation dans son ensemble en ne négligeant aucune nuance. Les contrastes entre le chaud et le froid, par exemple, nous invitent à observer les contrastes entre la détente du spa et l’agitation du monde extérieur. Notre société propose une énorme offre de bien-être et valorise le culte du chacun-pour-soi, mais en même temps, les problèmes planétaires nous assaillent et nous figent, nous immobilisent. À partir de cette dichotomie, on envisage le spa comme un lieu de réflexion sur le monde, ou comme un lieu de refuge.»

Qu’on se le dise, les créateurs de l’ATSA se gardent bien de tout moralisme et ne cherchent pas à accuser quiconque. Plus philosophique que contestataire, leur nouvelle proposition remet en question le bonheur individuel à partir d’interrogations à grande portée, ou de considérations très larges. Annie Roy souligne qu’après 15 ans d’interventions dans la rue sur des problèmes précis comme la pauvreté ou la dépendance au pétrole, elle voulait poser des questions plus universelles. «Il n’y a pas de références à Kant ou à Platon dans le spectacle, on s’appuie toujours sur un vécu très concret, mais on tente de décrire la société du je-me-moi, de l’expliquer, de la comprendre. Comment croiser les notions de bonheur individuel et de bonheur collectif; l’un est-il garant de l’autre? Sont-ils en contradiction?»

Du 10 au 15 juin à 20h30

À l’Espace libre

Arrivez tôt pour vous changer (maillot de bain ou vêtements légers). Serviettes et peignoirs offerts sur place. Fiche de bien-être à remplir en ligne: atsa.qc.ca