Quotient empirique / Entrevue avec Victor Quijada : Jeux de pouvoir
Scène

Quotient empirique / Entrevue avec Victor Quijada : Jeux de pouvoir

Il est de retour. Avec ses danseurs athlétiques, rompus à une danse hybride et rythmée qui explore les relations de pouvoir et la valse des identités, Victor Quijada propose Quotient empirique, une création pour plateau nu et pour six danseurs.

En salle de répétition, Victor Quijada guide le danseur James Gregg dans une vive arabesque. Se faufile entre ses jambes, en un mouvement rapide, le corps d’une partenaire qui en ressortira aussitôt. «On prépare un spectacle très physique, dit-il, très athlétique. Il y a des mouvements assez techniques qui ont nécessité une période d’entraînement assez longue en début de création.»

En plus de travailler avec quelques-uns de ses danseurs habituels, Quijada est allé chercher du sang neuf, de nouvelles interprètes féminines issues de divers horizons. Elles sortent de l’école, ont travaillé avec Crystal Pite, Hofesh Schechter ou les Ballets jazz de Montréal, et elles ont vite assimilé le langage chorégraphique du Rubberbanddance, qui est pourtant très hybride.

«Dans mon précédent spectacle, Gravity of centre, la narrativité était fondamentale: tout mon travail avait été guidé par une certaine linéarité. Mais cette nouvelle pièce est davantage axée sur les sculptures et les mouvements dynamiques du corps. Le moteur, c’est le mouvement. On est dans une narrativité fragmentée, qui recrée la logique de la mémoire, en fonctionnant par allers-retours. Ce sont des fragments de mémoire qui s’entrechoquent, qui s’alignent et se désalignent.»

Il se réinvente constamment, mais il est fidèle à certains motifs et certaines figures, se laissant porter par sa fascination pour les interactions humaines et les jeux de pouvoir qui en émanent. «L’identité, telle qu’elle se déploie à travers les rapports de force entre humains, est une obsession qui ne cessera jamais de m’habiter. Même quand j’essaie de travailler quelque chose d’autre, quand j’ai un objectif parallèle, comme travailler à partir d’une scénographie précise, je ne peux pas m’empêcher de creuser le même grand thème. Dans Quotient empirique, cette exploration s’ancre dans une réflexion sur les regrets et la nostalgie, qui définissent nos interactions et qui surgissent constamment de notre mémoire.»

Pas étonnant qu’un danseur issu de la culture hip hop, qui a peaufiné au fil des ans une signature unique en mélangeant les genres, soit intéressé par les enjeux identitaires. À l’image de son propre parcours métissé, sa danse fusionne les danses urbaines, les danses contemporaines et classiques. Aujourd’hui, on observe son travail sans pouvoir départager les influences, qui forment un tout indissociable et fascinant. «Après avoir eu besoin de passer, dans le même spectacle, d’un extrême à l’autre, je suis aujourd’hui en mesure de vraiment me positionner à la croisée des genres, en plein milieu de toutes ces danses qui m’inspirent, véritablement au point de rencontre.»