Brigitte Haentjens : Corps extrême
Scène

Brigitte Haentjens : Corps extrême

La danseuse Anne LeBeau a choisi Francis Ducharme comme partenaire et Brigitte Haentjens comme chorégraphe pour s’attaquer à ce qui fait mal dans Ta douleur. Un trio de choc pour une oeuvre potentiellement très forte.

Elle a la technique, une énergie d’enfer, une belle intensité dramatique et un corps qui semble ignorer le passage du temps. Danseuse chevronnée, Anne LeBeau a aussi fait quelques heureuses incursions du côté du théâtre et du cinéma. Quand Danse-Cité lui avait donné une première carte blanche dans le cadre de sa série Traces-Interprètes, elle avait demandé à Brigitte Haentjens de lui créer un solo. Neuf ans plus tard, elle remet ça avec Ta douleur, un duo que la metteure en scène qualifie plus volontiers de «théâtre extrêmement physique» que de danse.

«Nous avons exploré plein de facettes de la douleur morale, physique et sociale en travaillant de manière plus poétique que narrative, explique cette dernière. Le mouvement prend sa source dans des émotions, des états, et le peu de texte qu’il y a dans la pièce a jailli. Ce qui est passionnant quand il n’y a pas de texte, c’est la notion de sens: c’est absolument abyssal de réaliser à quel point on ne le maîtrise pas, parce que le corps dit des choses difficiles à interpréter même par celui qui crée. J’aime beaucoup cette espèce de tension et de mystère.»

Savourant l’espace de liberté que lui offre l’expérience de laisser surgir des formes et, finalement, une oeuvre à partir d’une thématique développée par improvisations, Haentjens se réjouit de collaborer avec deux interprètes-créateurs aussi audacieux que talentueux. «Ils ont beaucoup de points communs, affirme-t-elle. Anne est une danseuse exceptionnelle, disciplinée, très engagée, qui a le goût du dépassement et une capacité d’abandon total. Francis ne veut pas s’enfermer dans un type de carrière; il a envie de se risquer et il n’y a pas de limites à ce que je peux lui demander.»

Parler de douleur sans censure, c’est aller dans des zones sensibles et dans l’intimité. Et si plusieurs lectures restent toujours possibles, le duo homme-femme porte d’autant plus à voir un couple qu’on traite de sexualité, comme dans le teaser sulfureux récemment mis en ligne. «Je n’ai pas un tempérament exhibitionniste ni provocateur, affirme Haentjens. Cette séquence a surgi sans intention délibérée et ça reste du mouvement: ce n’est pas la vraie vie ni du téléroman. Et puis, une autre scène, qui n’est pas ouvertement sexuelle, est encore plus dérangeante. Aborder la douleur, c’est aborder la violence.» Qu’on se le dise.

[Ce texte a été publié en septembre 2012 sur voir.ca.]